J'ai malheureusement été déçu par la suite d'un film que j'avais appris à apprécier et à critiquer de manière plutôt positive. J'ai vraiment donné ma chance, en salle, à cette œuvre que j'attendais quand même beaucoup, partagé entre (il faut l'admettre) une nostalgie vieille de 13 ans et mes goûts actuels qui n'ont jamais montré la moindre hostilité envers Avatar premier du nom. Mais malgré cet intérêt sincère et mon affection peut-être déraisonnable pour les univers exotiques, j'ai rapidement été sceptique - même sur l'aspect "lore"/univers/contexte/etc.

Un scénario assez indécent :

Je vais commencer par le moins important, et ce qui n'influe pas tellement sur ma note ni sur mon avis pour être honnête. C'est juste qu'avant tout, il faut mettre un fait de côté : Avatar 2 est une très mauvaise histoire. L'écriture est pas folle dans le premier, mais c'est acceptable. En vérité, tu peux raconter presque tout et n'importe quoi avec un enfant derrière le script quand tu fais qu'un seul film dont les éléments sont unis. Plus tu rassembles le scénario dans une sorte d'unité, plus les erreurs sont excusables dans le sens ou vu que ça tourne toujours autour d'une même idée, c'est normal qu'on tende vers elle, et on ressens moins la capillotractation. C'est le cas dans Avatar 1 où le scénario se résume à la situation ambiguë d'un personnage central tiraillé entre deux entités antagonistes. C'est neuneu, mais c'est pas désagréable, tu te laisse porter par une histoire plaisante même si des critiques sont à faire. Dans Avatar 2, ça va dans tous les sens, et tu sens que ça souffle dès le début pour amener 1) la situation perturbatrice/l'antagonisme, 2) le déplacement à cause de cet antagonisme. Je pense que beaucoup de gens ont quand même dû réussir à lire un texte secret dans le ciel bleu aux magnifiques lumières du film, loin d'être aveugles : "On avait envie de changer d'environnement et préparer la suite le tout dans une ambiance blockbuster, ducoup on a inventé plein d'excuses artificielles pour que les Sully se trouvent en mer". Sans vouloir être cassant, c'est indéniable que les ficelles sont très très grosses.

Et ça me saoule quand le "faire compliqué" ne fonctionne pas et/ou que ça aboutit sur du vide et scénaristique, et esthétique. Vraiment dites moi là, en quoi le scénario apporte des clés de compréhension esthétique ? En quoi il ouvre le public à des considérations particulières? Et, si c'est là son objectif, en quoi le guide-t-il vers un message particulier (éventuellement politique, philosophique) et avec quelle raffinement, avec quelle pédagogie, quelle subtilité?

Et moi je m'en fiche du scénario, j'ai même justement tendance à préférer les intrigues banales, simples, sans action, enjeux, ni grandes problématiques politiques (1), je veux dire je suis fan de Ghibli et du Seigneur des Anneaux, entre autres choses de même acabit, ça serait culoté de cracher spécifiquement sur la stupidité de l'écriture des Avatar. Le problème, c'est que d'une part ce scénario, simple et agréable au départ, s'emmêle les pinceaux pour pouvoir se poursuivre, et que d'autre part il n'est soutenu par quasiment rien de bien sur plan artistique. Et c'est cette deuxième partie qui est décevante, mais qui sauve légèrement le film, vous devinez pourquoi.

Ah j'oubliais avant de passer à la suite. Je saute le discours véhiculé par le scénario : les enjeux, la redondance de l'antagoniste, le manque de subtilité et de nuance dans chacune des scènes du film, bref le détail de l'écriture est pas beaucoup mieux que son squelette général, et ça pour le coup c'est plus dommage, mais revenir sur chaque point serait trop long et d'autres le feront sûrement. On va dire que je suis plutôt d'accord avec la critique d'Avatar 2 de Moizi, et la vision générale de Datman sur "comment écrire une bonne histoire". Dans tous les cas, c'est vrai que le message du film et le caractère des personnage sont vachement creux...

Un chef d'œuvre ?

Je dois avouer que les 3 heures du film ne m'ont pas laissé indifférent en rétrospective. Il est magnifique, réaliste, animé, et donc c'est une super ébauche d'une représentation d'univers/d'environnement au cinéma. En tout cas, moi, je suis encore assez touché par certaines scènes sur le seul plan graphique. C'est visuellement immersif en fait, ce qui, pour un fan de merveilleux comme moi, est jouissif. Donc en soi pour ça le film mérite vraiment la moyenne. Il fait un travail visuel dingue.

Mais c'est décevant qu'une telle potentialité soit gâchée en cours de route...

Je pense qu'il manque à Avatar une vision d'auteur, un prisme par lequel explorer cet univers. Parce que ducoup là Avatar 2 fait un peu magasin de jouet. C'est merveilleux, mais rien n'est vraiment tangible. C'est juste beau, et cette beauté a du mal à nouer un lien avec les personnages, avec l'histoire, bref elle est inaccessible et c'est peut être ironiquement ce côté lointain et cristallin de l'univers d'Avatar qui fait du film une petite réussite artistique malgré tout (je suis au moins soulagé qu'il ne m'ait pas dégoûté de ce type d'univers).

Cette tangibilité était un peu assurée par la situation d'étranger de Jake Sully dans Avatar 1 : il découvrait un monde qu'on ne connaissait pas non plus, il le tâtait, il se heurtait à de vraies difficultés. C'était pas très profond, mais c'était suffisamment crédible. Il y avait cette excitation de l'exploration. Donc la nature avait une saveur particulière, la beauté des plans était d'autant plus délicieuse que la relation entre l'environnement et Sully était fragile, source de tensions.

Et venez pas me dire que c'est le même chose dans le 2, car premièrement il n'y a pas vraiment de quoi être fier de reboot le 1, et deuxièmement c'est pas en calquant une situation de collégiens américains sur des gamins de 2100 et d'une autre culture, d'une autre race, que tu vas me faire croire aux enjeux relationnels et sociaux de l'émigration. En plus justement, on passe d'un explorateur malgré-lui tombé amoureux d'un lieu qui évoque de l'étrange et du merveilleux parce qu'il y a une réelle altérité ressentie, à un genre de pseudo famille américaine qui fait des pseudos vacances à la plage. Et je dis pas ça pour me moquer. J'y crois vraiment pas sur le plan humain. Je ne sais pas pourquoi, peut-être qu'on aurait pu mieux filmer la vie quotidienne des metkayna, leurs coutumes matérielles, plutôt que de centrer intégralement le speech sur leur lien avec les animaux, pour mal le filmer qui plus es.

En fait je pense honnêtement pas qu'il y ai eu de mauvaises idées (de quoi montrer) avec ce film, mais pour beaucoup d'aspects on aurait eu besoin d'un autre réalisateur. A part la beauté des fonds marins, des paysages et du mouvement des animaux marins, Cameron fait pas grand chose, même si ces éléments font partie de mon sentiment généralement positif sur le film. C'est très agréable, mais c'est quelques minutes diluées dans de l'action, dans des dialogues insipides, et ça me déçois de faire face à un tel gâchis.

Par exemple, ertaines scènes d'actions sont très bien, ça transperce de l'américain capitaliste, que demander de plus (à part faire un vrai film écolo/anticapitaliste qui soit pas là juste pour calmer les passions du peuple sur ces questions) ? Non sans ironie certaines scènes d'actions font partie des rares qui ont pu me faire vibrer, comme celle où Jake essaye de dompter le genre de crocodile/brochet ou celle où tous les Metkayna se dressent en choeur sur leur monture aquatique, idem pour l'arrivée du Tulkun banni. A l'inverse, les scènes plus intimes avec Kiri ou Loak sont des pistes plutôt bonnes pour faire passer des émotions, je trouve.

Ducoup, pour conclure, je dirais que j'aurais adoré avoir soit :

- Un film qui reste un blockbuster sobre et honnête, qui canalise tes passions pour les faire exploser à la fin dans une bataille épique durant laquelle les méchants ont ce qu'ils méritent. Ca fait toujours plaisir d'avoir un sentiment de revanche, pourquoi bouder son plaisir une fois la critique faite ?

- Ou mieux, un film qui prend des risques, et se concentre sur son univers large aux milles opportunités et pousser plus loin les thématiques de Kiri et de Loak. Un film épuré, intime, qui rejtterait ce conflit hommes-navis ultra convenu et inintéressant. Un film de 3heures ou tu vois Kiri être l'enfant d'Eywa et tisser une connexion avec la nature, et/ou qui développe l'ambiguité de Loak ! Bref, mettre en valeur la beauté graphique quoi...


Leodegar, le 22 décembre 2022.



1 : je parle pas du message politique qui reflèterais quelque chose de notre réalité, mais de la politique au sein de l'œuvre, comme ici le conflit entre des autochtones et des colons admettons.

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