Un casting exceptionnel (Brolin, Tatum, Johansson, Fiennes, Swinton, Clooney), un sujet en or (le Hollywood du Golden Age décadent), des réalisateurs dont le talent n'est plus à prouver depuis longtemps : les attentes pour le nouveau Coen avaient de quoi être hautes. Et par corolaire, la déception forte en cas d'échec.
Verdict : on ne criera pas au ratage complet, mais le film n'est pas satisfaisant à bien des aspects. En fait, Hail Caesar est comme un cookie un peu fade, où l'on croiserait de temps en temps au détour d'une bouchée une formidable noix de macadamia (et oui, je viens vraiment d'employer cette métaphore le plus sérieusement du monde) qui ne saurait, malgré tout, faire oublier l'avis global sur le gâteau. Tout ça me donne faim, mais avançons...
Les Coen semblent s'être un peu perdus entre leur désir de rendre de multiples hommages au Hollywood de l'époque, débauchant pour se faire des décors et des costumes splendides, ainsi que des acteurs qui sont clairement là uniquement pour pasticher telle ou telle ancienne star (à l'image de Scarlett Johansson) ; et la volonté de sortir un scénario de leur cru type Lebowski, c'est-à-dire un festival d'idiots et de quiproquos qui s'entrecroisent dans une histoire complètement folle.
Résultat, le scénario est sacrifié au service d'hommages, ce qui est dommage justement (vous l'avez ?), car les Coen fourmillaient visiblement d'idées géniales dont ils ont le secret : le gang des scénaristes communistes par exemple, avait un sacré potentiel que le film, trop brouillon, n'exploite que très superficiellement.
Alors, dans ce joyeux boxon, on entraperçoit le talent des Coen que par intermittence, dans une séquence géniale avec Ralph Fiennes en réalisateur snob, dans le jeu de George Clooney, dans les mimiques de seconds couteaux, dans la chorégraphie très gay-friendly (et Magic Mike friendly) de Channing Tatum, dans un discussion géniale sur Jésus entre des représentants de divers religions... Mais tout ça relève un peu de l’anecdotique. Un peu comme si The Big Lebowski se résumait à la scène culte avec John ''Jésus'' Turturro sur Hotel California...
Symptomatique du caractère finalement oubliable du film, le personnage principal Ed Mannix, campé par Josh Brolin, s'avère être pauvre en reliefs et donc en intérêt (son dilemme entre rester dans l'Usine à Rêves et passer dans le monde de l'aviation est ultra-superficiel par exemple). Or, si l'on suit la décision d'en faire le personnage dont le narrateur/voix off conte l'histoire, c'est-à-dire d'en faire le héros hollywoodien au sens de l'époque, on comprend que le pari est raté : à ce titre, la fin tente d'iconiser Mannix en le déclarant ''à jamais dans la lumière", alors qu'en réalité on s'en fout un peu. Là où le narrateur de Lebowski faisait sens et contribuait à jamais à faire de Jeff Bridges le légendaire Dude qui ''se la coule douce en notre nom à tous", ici la fin tombe assez lourdement, donnant l'impression que les Coen Brothers ont été peu inspiré quant à la conclusion du film (même impression d'ailleurs avec la conclusion de l'intrigue en elle-même : une mallette qui fait plouf, et emballé c'est pesé).
Bref, ce n'est pas mauvais bien entendu, mais si Hail Caesar s'avère très riche en bonnes idées, il s'avère plus pauvre quand il s'agit de les traiter et de les développer. Un Coen mineur, donc.
Et ce même si j'aime la macadamia.