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Les frères Coen sont les genres de scénaristes/réalisateurs qui aiment s’amuser, même si c’est pour ne pas dire grand-chose. Ayant tendance à laisser aller leurs idées au gré du vent, leur filmographie reflète une volonté exacerbée de ne jamais donner dans un registre donné, mais de souvent aller là où ils peuvent trouver une source d’humour et d’absurdité. Le problème étant que leur carrière prolifique peut avoir tendance à se répéter ou tout simplement s’auto-caricaturer. Comme d’autres auteurs au style bien défini, les frères Coen, avec Ave, César !, semblent quelque peu en pilotage automatique dans cette mise en abyme géante de l’âge d’or hollywoodien.
Ciblé avant tout pour les amateurs de cinéma, cette nouvelle production multiplie les références, les pastiches et détournements hommages ; des bathing-beauties à la screwball-comedy, jusqu’aux comédies musicales qui sont un bon moyen pour les Coen d’opérer dans l’humour frontal lors de ces séquences narrativement inutiles. Un simple prétexte pour mettre en avant un casting prestigieux puis passer à autre chose, comme si on jouait un rôle pour mieux l’oublier la seconde après la fin de la prise. Si le procédé est évidemment ironique et gentiment humoristique, il convient aussi de mieux l’équilibrer et non pas juste l’insérer comme une vignette relaxante au milieu du zoo que sont ces studios hollywoodiens. Le film n’est finalement pas si intense que ça, avançant au compte-gouttes malgré les incessants problèmes que doit gérer Eddie Mannix (homme ayant réellement existé, un « fixer » qui était chargé de régler les problèmes au sein des studios). C’est là qu’on trouve probablement le plus grand creux de cet Ave, César !, qui fait pourtant mouche quand il joue sur un humour à retardement (la géniale scène de la monteuse) ou semble jouer avec la réalité d’anecdotes d’époque et la mise en abyme que cela implique. Les Coen préfèrent malheureusement rester en terrain connu, jouer sur l’absurde immodéré tel une marque de fabrique, jusqu’à faire ressembler ce nouveau film à un de leurs derniers : A Serious Man. On ne sait trop croire, on ne sait trop quoi penser, quitte à considérer tout cela comme un essai infructueux d’un duo qui prend des risques.
Il est regrettable que le film accuse une certaine lourdeur due à ces incessants allers-retours et la sensation qu’il n’impose pas de lui-même son sujet au spectateur. La question de la croyance semble être au cœur du propos, mais elle est soit trop ethnocentrée, soit trop évidente et à la fois pas assez pour faire mouche. On ressort de là sans trop quoi penser, un peu amer car le sentiment que le film nous a échappé prédomine. Ou tout simplement que c’est un coup d’épée dans l’eau.