Ils sont cool, quand même, les Coen.
Même comme ça, tout en décontraction, à te pondre un film résolument mineur qui n'a pas plus d'ambition que d'amuser la galerie et d'être agréable, ils arrivent sans faute à t'offrir un truc plein d'amour, plein d'esprit et plein de cinéma.
J'en viens même à me demander à la longue s'ils ne me touchent pas plus comme ça que quand ils sont sérieux... je veux dire : il y a quelque chose d'indéniablement plus renversant quand ils sont au niveau de Fargo ou de No Country for Old Men, mais quelque part je trouve que, même très en dessous comme ils le sont en l'occurrence, ce qu'ils perdent en intensité, ils te le rachètent quasiment par le regain de vigueur et de joie qu'ils mettent à mettre en scène. Pourtant, c'est que je finissais par me poser la question, à voir les retours aussi mitigés : « est-ce qu'ils ont mal fait, ce coup-ci ? est-ce qu'ils ont essayé quelque chose qui ne fonctionne pas ? est-ce qu'ils s'usent ? » Et juste non : c'est drôle, c'est foisonnant, c'est bien mené.
Parce que franchement, qui à part eux pour t'incorporer en moins de deux heures sur un rythme aussi riant une telle brochette de personnages bigarrés, une déclaration d'amour mi-tendre mi-moqueuse au vieil Hollywood, des tournages dans le tournage, un kidnapping, une affaire d'espionnage russe, une grossesse cachée, une paire de jumelles journalistes harceleuses, des engueulades entre réalisateurs et producteur, de la comédie musicale, du western, du péplum, etc. Le tout étant tenu au centre par un Josh Brolin magnifique, attachant, fulminant, autour duquel gravite tout ce casting invraisemblable où personne n'est sacrifié par le nombre : Clooney d'un ridicule presque héroïque, Tatum surprenant de classe, Fiennes qui barbote dans son élégance naturelle, Johansson toute savoureuse de grossièreté, Swinton en ration double... et même Christophe Lambert qui passe, rien que pour le fun !
Et ce qui est beau, c'est qu'avec tout ce que ça te brasse, rien n'est là pour faire de la figuration, tout est pensé, tout est soigné. Ils passent par un plateau où se tourne une scène de musical : eh bah t'as droit à toute la chorégraphie, et en prime c'est drôle, bien fichu, rythmé. Un autre où se tourne une course-poursuite à cheval, un autre encore une scène de salon ou une chorégraphie aquatique : même tarif. Puis va que le producteur consulte des évêques et un rabbin pour savoir si la mouture de Jésus présentée par son film ne risque de froisser personne, et t'es bon pour une scène hilarante de querelle théologique autour de la nature du Christ qui - quelques scènes plus tard, par un effet miroir parfaitement senti - trouve son pendant comique dans la querelle d'une tripotée de marxistes pareillement bouffons autour de l'économie politique, de la dialectique et du matérialisme historique. Et là où c'est la grande classe, c'est qu'en plus d'être bien écrit, ça raille les uns et les autres sur des points de doctrine véridiques.
La musique est pleine de charme, aussi.
Les références pleuvent, évidemment.
Bref, c'est bon, même très bon.
Mais assez de raconter le film : il faut le voir !