En un mot : plus que décevant.
Bien sûr, c'est toujours aussi bien tourné et joué, mais... ça manque de souffle, de rythme, et surtout d'originalité. Le rôle de Scarlett Johanssen se limite à deux scènes et un ballet aquatique ; pas de quoi développer. Celui (enfin, ceux) de Tilda Swinton n'abouti(ssen)t à rien. Les écrivains cocos sont montrés comme des abrutis adorateurs d'une secte idiote. Et d'où sort cette morale finale à deux balles, à laquelle les Coen ne nous avaient pas habitués ? Se seraient-ils convertis à une religion quelconque (désolé pour le pléonasme) ?
Espérons que ce n'est pas là leur film testament ; le notaire risque d'être perplexe.
Mais ce qui est le plus lamentable, c'est d'avoir fait d'Ed Mannix un personnage presque humain, qui veut le bien des studios et du cinéma. Evidemment que ce n'est pas le vrai, diront les bégueules, puisque c'est une fiction. Certes, oui, mais pourquoi les autres personnages sont-ils fictifs alors que le sien est le seul à avoir un nom historique? Le problème est que le vrai Mannix était un quasi truand, une petite frappe qui avait grimpé les échelons de la MGM à coups de poings et de barre de fer; c'était un cogneur de femmes, un arrangeur de coups tordus, un maquilleur de preuves, un corrupteur de flics et de journalistes, un proxénète, un collabo avec l'extrême-droite et le comité anti-communistes, un ivrogne et sans doute un assassin. Sa première épouse Bernice est morte dans un accident douteux, quelques jours après avoir demandé le divorce; sa deuxième a été impliquée dans la mort extrêmement bizarre de George Reeves; et sa maîtresse Mary Nolan a été opérée quinze fois parce qu'il "lui avait démoli le ventre". Aujourd'hui encore, Mannix est admiré par certains cinéphiles pour la bonne raison qu'il a laissé un registre des budgets finaux des films de la MGM couvrant les trois décennies de son Âge d'or! Outre que ce prétexte est misérable, la légende qui maintient l'image de ce pauvre type me paraît exemplaire du problème que Hollywood a encore et toujours avec les concepts de vérité, d'autorité et de fortune. Comme disait Luise Rainer en 1937 après avoir reçu son deuxième Oscar: "Hollywood, cette ville où il est impossible d'avoir une conversation intellectuelle.." Dix ans après, Humphrey Bogart ajoutait : "A Hollywood, on ne doit pas dire aux gens médiocres qu'ils le sont, parce que le fait qu'ils gagnent mille dollars par semaine les rend infaillibles. Je trouve cette manie extrêmement malsaine."
Bref, la chute abyssale des frères Coen dans la médiocrité continue, et ce n'est pas leur remake vomitif des Tueurs de dame qui permettra de prétendre le contraire.