Ave Maria est bien sûr ce film iconoclaste de Jacques Richard don't l'affiche montrant l'actrice Pasco, vêtue d'un simple pagne, à l'image et dans la même position que Jésus sur sa croix, avait déclenché un barrage de procès de la part de diverses institutions catholiques visant à interdire sa diffusion sur les placards du métro et des endroits publics de Paris. Et pourtant, l'affiche est bien anodine, assez astucieuse et esthétiquement réussie et ma foi, la moins pire des choses que l'on peut dire du film lui-même.
Je me souviens très bien du scandale énorme qu'Ave Maria avait causé en 1984. Après tout, le Québec ne s'était que fraîchement libéré du joug du clergé en cette période-là, et l'Église en déclin accéléré avait fait quand même fait connaître sa position sur l'affiche honnie.
Mais je n'avais pas vu le film, qui avait été un échec commercial cuisant pour Jacques Richard dans toute la francophonie. Il m'a fallu attendre l'occasion de le visionner sur StudioCanal aujourd'hui. C'est alors que j'ai compris la raison de cet échec.
Non. L'affiche, par son attrait sulfureux, aurait dû servir le film si ce dernier avait capturé un enthousiasme, et le boucan juridique qui avait entouré sa sortie aurait dû en faire un succès populaire si le contenu avait été à la hauteur de l'affiche.
Hélas, hélas, hélas! Même la participation de noms aussi établis que Féodor Atkin (Adolphe Éloi, le "Saint Père"), d'Anna Karina (Berthe Granjeux, la "Sainte Mère") et de Pascale Ogier (pusillanime "Soeur Angélique", dans le dernier rôle de sa carrière qui sera écourtée -par coïncidence- au moment même de la sortie officielle du film) ne peuvent sortir ce film du terrible bourbier dans lequel il cherche à enliser le spectateur.
Un prêtre défroqué (Atkine), concubin d'une femme (Karina) qu'un faux mysticisme à rabais rend complètement hystérique et cruelle envers ses ouailles impuissantes, exercent une domination totale non seulement sur la vie spirituelle, mais jusque sur la conduite des affaires financières d'une petite communauté rurale isolée du monde extérieur, dans le but de s'enrichir à leurs dépens. Seule une religieuse (?) (Ogier), sorte de femme-enfant en contemplation placide et naïve tant des réalités les plus banales que des paroles des Évangiles, trouve grâce à leurs yeux, car elle semble aveugle à la corruption et à la haine maladive du "Saint Père" et de la "Sainte Mère" à l'égard des pauvres paysans prisonniers de cette secte improvisée.
Car il s'agit bien d'une tentative de critique satirique que le scénario, de la plume de Paul Gégauff, qui sera assassiné l'année suivante par sa femme en Norvège, du film se voulait de l'aveu même de son réalisateur Jacques Richard (dont la carrière cinématographique sombra suite à cette sortie désastreuse), et non d'une attaque frontale du catholicisme. Cette défense est plausible, sauf que le procédé, lui, est complètement, irrémédiablement, extraordinairement rate.
Le jeu des acteurs, et tout spécialement celui d'Anna Karina, dont la candeur rafraîchissante de ses premiers films avec Godard s'est ici métamorphosée en une suite d'éclats verbaux frisant les paroxysmes de la paranoïa pseudo-mystique, et qui s'avère rapidement insupportable, même en acceptant qu'il s'agit de dépeindre les aspects les plus répugnants du fanatisme religieux. Carle jeu de Karina ici est si mauvais par ses exagérations obsessionnelles maladives, que son personnage dépasse rapidement le seuil au-delà duquel la volonté du spectateur de se prêter à l'exercice a déjà atteint ses limites.
Le film est exaspérant de grandiloquence frisant l'amateurisme, et ni la réserve d'Atkine ni la douceur d'Ogier ne suffisent à limiter les dégâts causés par le jeu ridicule de Karina, qui a pourtant déjà vu de bien meilleurs jours.
Quant au personnage d'Ursula (Isabelle Pasco), une adolescente dont la mère est une pauvre femme membre de la secte, et qui vit ses premiers émois sexuels avec le jeune Paul (Balthazar Clémenti), elle deviendra la souffre-douleur de la Sainte Mère, pendant que le film sombré dans un misérabilisme sadique atroce et aux limites du supportable.
On dit que cette œuvre est maudite, mais pour moi, la malédiction est méritée, contrairement à ces autres "œuvres maudites" comme 'Le Dernier Tango à Paris' ou 'Les Diables' aux qualités cinématographiques indéniables. Ce film est une œuvre médiocre marquée par une complaisance crasse pour les pires excès, alors que le sujet du scénario de Gegauff se voulait une peinture critique, pas un tissu d'envolées grandiloquentes et intolérables d'adolescent révolté ayant perdu les pédales...

RichardPoulin
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le 4 avr. 2022

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Richard Poulin

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