Endgame of stones
Il s'installe en ce mois d’avril une ambiance fin de règne sur la planète pop qui a paradoxalement de quoi réjouir. J’aime voir les compteurs s’affoler et un certain nombre de générations bruisser...
le 28 avr. 2019
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Nous y sommes : onze ans après Iron Man et une pléthore d’autres long-métrages, l’arc narratif du MCU réunissant Avengers, pierres d’infinité et Thanos touche à sa fin. Un tombé de rideau tardif que l’on devine élaboré à tâtons, mis à mal par la complexité infinie qu’invoquent les interconnexions entre univers et, forcément, des logiques de rentabilité prégnantes. Au sortir d’Infinity War, si celui-ci s’en tirait avec les honneurs, le devenir et la cohérence d’un tel enchevêtrement de films au service d’un tout tentaculaire occultait en partie le divertissement même, la question étant de savoir où tout ce joli foutoir nous conduirait... et donc comment Avengers: Endgame, naturellement attendu au tournant, se débrouillerait avec un cahier des charges tiraillé de toute part.
Découpé en trois parties bien distinctes, le long-métrage s’ouvre en premier lieu sur une gueule de bois mémorable, la mise à mort de Thanos tenant de l’exutoire futile comme en attestera ce brusque retour à la réalité : une défaite confinant au désespoir insidieux, et un monde hébété recouvert d’un voile crépusculaire proprement remuant. Néanmoins, si l’on conviendra que la disparition de la moitié de la population n’est aucunement anodine, Endgame semble tout de même exagérer la chose en abusant des panoramas apocalyptiques où nulle âme ne déambule, ou alors si peu. Quand bien même, l’effet est malgré tout des plus efficaces tant cet abattement micro comme macro nous gagne, nous conviant ainsi sans forcer à nous raccrocher à la moindre once d’espoir, aussi invraisemblable soit-elle.
Là est ainsi la raison principale selon laquelle le ressort du voyage dans le temps ne souffre pas totalement de sa prévisibilité : si la solution, de sa simple énonciation à son élaboration facile comme pas deux, pouvait confiner à la grimace, le fait est que le spectateur investi peut finalement s’en délecter. Au caractère téléphoné de la chose s’attache de fait une logique palpable, et surtout la promesse d’un récit envers et contre tout exaltant... bien qu’il ne sortira pas des sentiers battus. C’est donc ainsi que débute la seconde partition d’Endgame, le scénario de Markus et McFeely ayant de surcroît la bonne idée d’y apporter une surcouche nostalgique savamment bien exploitée, les survivants revisitant d’anciens opus dans leur quête des pierres d’infinité.
Propice en redécouvertes alléchantes, cet arc narratif à la croisée des passés, présents et futurs quitte alors pour de bon les grises contrées de l’affliction : voguant vers le divertissement transitoire, l’humour jusqu’ici relativement timide gagne en vigueur au profit d’une atmosphère aux antipodes du pesant. Pourtant, le duo Natasha/Clint versera bien dans un climax sacrificiel tragique, mais le fait est que l’on est bien loin de la séquence d’ouverture flouant diaboliquement ce dernier. Dans une même veine, si certaines punchlines sont du meilleur effet, Endgame est bel est bien coupable de tirer sur la corde en forçant la référence : le tandem Tony/Steve est très parlant en la matière, le premier taillant bavette avec son paternel incognito tandis que le second se retrouvera (comme de par hasard) dans le bureau de son crush originel... sans que la bougresse ne le remarque pour autant.
À quelques exceptions près, cette mission délicate se déroule donc sans accrocs notables, sa construction servant avant tout l’entertainment pur et dur. Le bât blesse cependant pour de bon par l’entremise de Nebula, que l’intrigue investira du pouvoir de tout foutre en l’air en mettant au parfum le Thanos sévissant dans la même ligne temporelle : il est dès lors des plus regrettables que le pourquoi du comment de la troisième partie d’Endgame, que l’on devine aisément, repose quasi-intégralement sur ce tour de passe-passe où souvenirs impromptus et projecteur oculaire sorti de derrière les fagots forment un raccourci scénaristique lourdaud.
S’ensuit donc une sorte de redite à la sauce Infinity War, à ceci près que cette guerre en grande pompe arbore un casting encore plus fourni, et une propension épique accrue : de la pyrotechnie dantesque et de beaux instants de bravoure se succèdent ainsi à mesure que toute la galerie y passe. Aux antipodes d’une première partie toute en retenue qui brossait plutôt finement le portrait d’âmes meurtries, cette démonstration musclée en roue libre multiplie ainsi les séquences visuellement marquantes, mais il demeure des écueils de taille : personnellement, passé le pied que l’on prend bien volontiers son pied sur l’instant, l’effet « photos souvenirs » et « tout le monde aura droit à sa part » verse dans un fan-service des plus appuyés, Avengers: Endgame déployant tous les moyens à sa disposition pour nous en foutre plein la vue... quitte à lisser la personnalité d’un Thanos ici belliqueux et de cumuler les grosses ficelles.
Petite moue désappointée en somme, le film valant à mon sens davantage le coup d’œil sous le prisme d’un lendemain terne au possible, contrairement à ce final certes impressionnant mais banal à bien des égards. M’enfin, voici que l’intrigue se dénoue pour de bon, tout rentre dans l’ordre au prix de quelques vies notoires : d’un point de vue comptable, difficile de s’en satisfaire tant le MCU aura dans son dernier souffle préservé ses innombrables poules aux œufs d’or, là où le sacrifice des vieux de la vieille était plus acceptable. Nous pourrons d’ailleurs regretter que le trépas de vous-savez-qui tenait de l’évidence même, tout concourant à l’annoncer, tandis que la petite balade du Captain prête à sourire (positivement) : repos mérité !
Bref, il y aurait encore énormément de matière à traiter, mais focalisons-nous pour finir sur deux points : primo, Avengers: Endgame se sera plutôt bien acquitté de sa tâche, quand bien même l’astuce du voyage dans le temps soit sujette à une myriade de remontrances - attendues - d’ordre logique, le film parvenant parfois à se contredire piteusement. Il est également patent que celui-ci embrasse à corps perdu le rôle de volet conclusif aux forts accents de testament, les cadors passant le flambeau au terme d’une aventure non sans remous. Ce qui nous amène au second point, à savoir que celui-ci n’est pas pour autant rassurant quant au futur du MCU : si l’on exclut le prochain Spider-Man, vingt-deux récits auront été produits pour y parvenir, mais étaient-ils tous nécessaires ?
Pas si sûr, le dernier exemple en date de l’origin-story dédiée à Captain Marvel soulignant des handicaps de taille. Le personnage est trop puissant ? Expédions-le dans un autre coin de la galaxie, quitte à céder aux sirènes du deus ex machina. L’intérêt-même de son introduction se pose ? Tant que cela est rentable et qu’il sert le « bien commun », quel importance ? Doit-on alors s’attendre à ce que le MCU persiste dans la productions d’opus éparses aux signatures (trop) souvent impersonnelles, et qui seront reliés tant bien que mal en vue de contribuer au bon déroulement de la quatrième phase et des suivantes ?
Finalement, quel est l’objectif du MCU, dont l’agencement et le modèle de production, son uniformisation des univers etc. lui confèrent des allures de sériel blockbusteresque luxueux ? Ses têtes pensantes savent-elles où elles vont ? À l’image d’un certain space opera lui aussi sous pavillon Disney, la perspective laisse au mieux circonspect, au pire pessimiste... advienne que pourra.
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Créée
le 1 mai 2019
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