Après 10 ans et 18 films, Marvel studios et Kevin Feige nous présente enfin l’ultime crossover de leur MCU. Un 19ème film qui avait pour objectif de concrétiser un univers qui se construit depuis une décennie, introduisant au passage l’un des méchants les plus puissants. Mais surtout, le film avait pour but de voir si les comicbooks pouvaient vraiment être adaptés au format cinématographique, dans toute la démesure qu’ils peuvent atteindre au cours de ces arcs de crises cosmiques. Le résultat est à la fois surprenant, encourageant, mais aussi frustrant. Oui, on ne nous a pas menti sur la marchandise : le film réussira parfaitement à recréer cette ambiance épique sans pour autant s’effondrer sous son propre poids. Oui, Thanos est bien le personnage principal du film et vient se placer directement comme l’un des méchants les plus intéressants du MCU. Mais voilà, le film s’adresse essentiellement aux fans du MCU, et n’en faisant pas partie, ben encore une fois, je ne me suis pas vraiment senti investi dans les personnages, dans l’intrigue.


Et pourtant, le film est très bien construit. En utilisant des procédés assez classiques, comme le compte à rebours, il crée une certaine tension et pour une fois, on peut sentir qu’une réelle menace plane sur les personnages. Les motivations de Thanos sont assez classiques dans le genre aussi, cherchant à l’humaniser sous certains aspects (au final, ça ne change pas tant que de ce que voulait faire Ultron, à la différence que c’est à une tout autre échelle cette fois-ci), mais encore une fois ça fonctionne parce qu’on y croit. Le ton du film sera rapidement donné via cette première scène qui n’épargne personne, aussi bien physiquement que psychologiquement. Et une fois lancé, le film ne s’arrêtera pas vraiment, grâce à un rythme très bien dosé même s’il peut être épuisant sur la longueur. On ne se rend même pas compte qu’on regarde là le plus long des films du MCU, et pourtant il n’y a presque aucune longueur. On en vient même à se demander s’il ne manque pas des bouts par moment.


Les enjeux du film sont très bien définis, et là où Civil War m’avait déçu et où Age of Ultron était un peu molasson ; Infinity War maintiendra le cap jusqu’à son final et n’hésitera pas à prendre les décisions qui s’imposaient. Alors oui, tout le monde s’affole suite au final, qui n’hésitera couper l’herbe sous le pied à certaines attentes ; mais en soit, en tant que lecteur de comicbooks, je n’ai pas été tant marqué. Ça veut se faire cliffhanger, mais au bout du compte ça ne crée pas vraiment de tension parce que le film donne déjà des éléments de réponses


via le rôle de Strange tout au long du film.


Alors c’est vrai que l’absence de musique peut créer une sorte d’effet dramatique, mais pour moi, n’étant justement pas fortement attaché à ses personnages, ben ça fait un peu l’effet inverse. C’est dommage, parce qu’en soit, en tant que conclusion du film et de 10 ans du MCU, et pour lancer Avengers 4, cette fin est parfaitement dosée. Ce côté implacable, inarrêtable de Thanos, l’écho par rapport à ce qui a été développé sur lui pendant tout le film.


Je le disais plus haut également, le film réussit ce qui était pour moi son plus gros challenge : transposer à l’écran un crossover cosmique. Les lecteurs se souviendront de ces planches avec des dizaines, voire des centaines, de personnages connus pris dans une action épique et dantesque. Infinity War s’y approche doucement mais sûrement. Le découpage de l’intrigue y est pour beaucoup notamment. Encore une fois, Thanos et sa quête des Pierres d’Infinité est le cœur même du récit, mais cela ne nous empêche pas de suivre les autres personnages de façon parallèle. Et l’équilibre est très bien trouvé, car chaque arc a une place bien précise. En y réfléchissant, on ne suit pas vraiment les personnages, mais les Pierres, et c’est en fonction de comment Thanos met peu à peu la main sur toutes que les regroupements de personnages se font. L’arc de Thor peut paraître hors propos dans ce schéma, mais il prend tout son sens quand on réalise qu’il s’agit plutôt de l’arc principal pour faire contre-poids à celui de Thanos. Pour faire simple, on peut voir le film comme un duel à distance entre Thor et Thanos, tandis que les autres personnages sont simplement des « sbires » cherchant à empêcher Thanos à accomplir sa quête. J’ai trouvé cette construction diablement intéressante et bien pensée, et son équilibre la rend extrêmement fluide. D’autant plus que, dans l’état actuel des forces des Avengers, elle fait parfaitement sens. Le seul point noir, c’est les quatre sbires de Thanos, qui au final ne présenteront jamais une véritable menace.


Et le point fort, c’est que comme toujours, Marvel ne déçoit pas à ce propos. Le fan-service est présent à chaque séquence, que ce soit au détour d’une scène que les fans attendaient depuis des lustres, ou bien d’une réplique issue directement de mèmes d’internet. La dynamique entre les différents personnages présents fonctionnera très bien, dans le sens où chacun restera fidèle au développement par lequel il est passé depuis sa première apparition, tout en s’intégrant parfaitement avec ces homologues pour que l’ensemble soit homogène. Ainsi, aucun personnage ne vole vraiment la vedette aux autres, et pourtant chacun aura droit à sa scène pour briller et ravir les spectateurs. Le mélange n’était pas facile, subtile, mais les frères Russo s’en sont sortis admirablement bien. Clairement, Infinity War vient de créer un précédent dans le genre, mais c’est une conséquence logique de 10 ans de préparation et de l’univers tel qu’il nous a été présenté. Est-ce que DC doit s’en inspirer ? Non, car les personnages ont des enjeux et des symboles différents. En revanche, Warner devrait prendre note de ce qui permet de créer un univers cinématographique stable : ce n’est pas forcément produire des films solos sur chaque personnage pour ensuite les réunir ; c’est laisser le processus créatif suivre sa propre évolution, car la dynamique de ce genre fait que ça s’emboîtera de lui-même.


Un autre point que j’ai apprécié dans ce film : l’humour. Oui, les films du MCU ont toujours été empli d’humour, mais depuis Les Gardiens de la Galaxie, cet humour devenait de plus en plus prédominant par rapport à l’histoire. Au point de devenir insupportable, lourdingue. Mais avec Infinity War, on retrouve enfin cet humour qui détend l’atmosphère sans pour autant parasiter le reste de l’intrigue. S’il est vrai que certains gags s’étendent un peu trop et viennent désamorcer une situation qui construisait une forme de tension (étrangement, ce sont encore des scènes avec les Gardiens qui me viennent en tête) ; dans l’ensemble, ça sera bien dosé et viendra même renforcer le récit par moment. Donc oui, on retrouve cet humour qu’on avait dans les premiers films Marvel, efficace et très bien disséminé.


Cependant, comme je le disais, le film s’avère un peu frustrant. Frustrant parce qu’à aucun moment, je ne me suis senti vraiment impliqué. Alors oui, c’est vrai, pour la première fois depuis Avengers en 2012, quelques passages m’ont légèrement fait frissonner d’excitation,


notamment les entrées de Captain et de Thor (ce-dernier étant un littéral deus ex machina).


Mais encore une fois, il manque ce côté qui me ferait vibrer de bout en bout. Ce qui amoindrit l’effet des scènes phares du film. Je parlais du final, mais on peut également citer la scène d’intro, alors que Thanos instaure le ton d’entrée de façon brutal :


la mort de Heimdall, presque sans saveur, la façon dont Thanos maîtrise Hulk sans même forcer, et puis bien sûr cette mort de Loki, après un ultime geste de rédemption tout en étant parfaitement dans l’esprit du personnage (et puis, son « We have a Hulk », toute l’histoire derrière cette réplique et quand on met en parallèle sa réaction dans Ragnarök, on voit comment le personnage a évolué depuis).


Idem pour l’intrigue autour de Nebula et Gamora : autant l’idée pour introduire la Pierre de l’Âme dans le MCU était brillante et bottait toutes les théories développées jusqu’à présent ; autant tout l’effet dramatique derrière échoue, parce qu’encore une fois il n’y a aucun attachement aux personnages. Même les larmes de Thanos n’y changeront rien. Et on peut continuer ainsi pour plusieurs scènes : le final, comme je le disais ; mais aussi quand Star-Lord apprend la vérité pour Gamora (en revanche, la réaction de Tony est juste parfaite), même si c’est compréhensible compte tenu de l’évolution du personnage ; la relation entre Vision et Scarlett Witch, même si elle aura le mérite d’être un peu plus développé ; les retrouvailles de Banner avec le reste de l’équipe ; quand Thor essaye de rallumer Neimdnir…


Bref, ce manque d’implication, d’attachement aux personnages, fait que le film se révèlera frustrant pour ma part, comme avait pu l’être Civil War il y a deux ans.


Sur les autres aspects du film, je n’ai pas grand-chose à redire. Le casting est dans la même lignée que le reste du MCU, même si je dois admettre que Tom Holland était un peu au-dessus du lot cette fois-ci. Mais voilà, les acteurs connaissent leurs personnages, leurs évolutions, donc forcément ça fonctionne sans de véritable problème. Josh Broslin réussira à capter l’essence de Thanos dans ces différents aspects.


Techniquement, là aussi, pas grand-chose à redire : comme toujours, le film est au top du top. Le retour d’Alan Silvestri à la musique fait un bien fou, que ce soit pour le retour du thème mythique lors des moments clés, mais également pour son travail pour la cohérence de l’univers : tout comme Avengers, chaque personnage/univers sera introduit par des accords qui renvoient directement à son film respectif, tout en s’incorporant à l’ambiance globale du film. Les décors et les effets spéciaux sont dantesques, quoi qu’on en dise. Alors oui, y’a certains rendus sur fond vert qui pique un peu les yeux ; mais franchement dans le contexte, ce n’est pas si marquant. Les frères Russo nous proposeront une mise en scène équilibrée, avec quelques scènes plutôt bien pensées pour créer la tension. Surtout, ils réussissent la ré-iconisation des personnages phares. On peut reprocher que certaines scènes de combat soient un peu hachées et chaotiques, mais dans l’ensemble ça reste lisible.


Infinity War est donc le film ultime pour les fans du MCU, comme on nous l’avait promis depuis des années. N’étant pas parmi eux, j’ai été sans doute moins touché et impliqué ; mais il n’en reste pas moins qu’il s’agit sans doute d’un des meilleurs films de l’univers jusqu’à présent. Parce qu’il réussit ses objectifs et remplit sa part du contrat. Sans forcément être L’Empire contre-attaque du MCU, même si on peut y trouver de nombreux parallèles, le film fera parfaitement son office, et Thanos ne décevra pas.

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le 6 mai 2018

Critique lue 186 fois

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vive_le_ciné

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