Il y a cinq jours, comme beaucoup de gens, je suis restée sur le cul en apprenant la mort d'Avicii.
Le style de gars qui, l'air de rien, reste pas loin, dans ta tête, sur ton téléphone, dans ton Spotify.
Des dizaines d'heures passées à écouter ses remix, ses dernières créations. Et, comme beaucoup de gens, l'année phare 2013-2014 ne m'a pas laissé indifférente. Sa musique m'a accompagné, loin, très loin. J'ai toujours fait partie de ses défenseurs, puisqu'estimant que l'artiste renouvelait bel et bien le genre de la musique électronique, remplaçant au pied levé les maîtres éculés en la matière (à savoir, entre autre, toute la génération Guetta, Sinclar, Tiësto et Solveig). Aux côtés de nouveaux jeunes talents, le type savait apporter sa fraîcheur, sa créativité et son absence de mégalomanie, malgré une machine commerciale rodée et impressionnante.
True Stories appuie là où ça fait mal, prouvant pour la énième fois l'éternel dilemme broyant les artistes de toutes les générations depuis que le monde est monde : partagés entre les exigences de managers pourris jusqu'à l'os et obsédés par le fric et l'amour contrarié qu'ils éprouvent pour leur art, ils demeurent pour toujours des pions broyés par le système, sans que jamais l'humain ne rentre en jeu. Leurs maîtres à penser les écrasent sous le talon de leurs pompes à 5000 balles la paire, se plaignant de manquer de sommeil quand leurs poulains, hospitalisés et hors d'état d'assurer leurs concerts, tentent, tout de même, de répondre aux exigences du succès.
True Stories, c'est une histoire de comète fracassée de plus, une histoire de petit gars bourré de talent, de joie de vivre et de candeur, qui se transforme en artiste torturé, et dont les angoisses le tordent, physiquement comme psychiquement.
Il est d'autant plus intéressant de voir qu'aucune femme n'est présente dans le documentaire (si ce n'est sa mère, via une conversation téléphonique, et dont on ne verra jamais le visage). Hormis l'amitié dont ses amis d'enfance l'entourent, ainsi qu'un staff encourageant et bienveillant, toute notion de vie privée et relationnelle se voit gommée, au profit d'un nombre impressionnant (voire dramatique) de shows et concerts. À 28 ans, Avicii aura accompli l'exploit de se performer au nombre de 800 fois, partout à travers le monde. Une course contre la montre, une chandelle brûlée par les deux bouts, entre un pancréas foutu en l'air, une vésicule retirée et une consommation d'alcool et de produits dopants trop forte pour que tout cela se finisse bien.
True Stories fait grimacer, triste revers de médaille, maintenant qu'Avicii est mort (les causes demeurant toujours inconnues aux derniers nouvelles), et donne largement matière à penser, et surtout à compatir. On se demande bien en effet, loin des caméras, à quoi devait ressembler le quotidien pressé comme un citron de cet artiste talentueux, et aimé par ses pairs.
Probablement pas à grand-chose, malheureusement.