Une fiction qui a des allures de documentaire. Un réalisme assumé. Comme Cassavetes, Vautier a une véritable patte. Son film montre la guerre avec crudité mais sans aucun pathos. D'où une certaine force, qui finit par entraîner l'adhésion, malgré la piètre qualité de l'image et, plus encore, du son - Le son direct, c'est bien, mais quand on comprend une réplique sur deux, ça devient problématique...
Au début, c'est un peu le catalogue des horreurs de la guerre, et l'on peut craindre le didactisme : le passage à tabac d'un innocent, le viol de la première femme venue, la destruction d'un village... Mais le film évolue intelligemment, avec le putsch des généraux, où l'attente de la petite troupe de "chevelus" bretons est soutenue par les messages radiophoniques de De Gaulle. La scène où ils élisent un chef au soleil couchant et où celui-ci se déculotte est assez réussie.
Et puis il y a cette deuxième partie, plus romanesque, qui nous emmène sur une autre piste : cette cavale de Nono et de Youssef. Un peu naïvement certes, Vautier prend parti pour les liens humains avant le patriotisme. La réaction de Perrin ("Le sort de Nono démontre une chose, c'est qu'il faut être impitoyable avec ces gens-là") pour clore le film pourra paraître aussi un brin manichéenne. Mais l'histoire reste belle, et Vautier réussit une œuvre originale.