Alors moi je veux bien que Netflix se mette à financer des direct to video filmés au caméscope dans le garage de chez tonton, hein, il faut de tout pour faire un monde et puis c'est sympa, ça rappelle les troisièmes parties de soirées sur M6 d'antan ou les virées en loussedé chez Video Future, mais un direct to video, ça ne se réalise pas comme ça, il y a des règles à respecter.
Deux, en l'occurrence :
1) Caster Casper Van Dien dans le rôle principal (en plus il n'a jamais joué les mères célibataires latino, ça aurait été une grande première).
2) Avoir un requin comme antagoniste. Un requin bionique, un requin fantôme, un requin piranha, un requin bionique-fantôme-piranha (croisé avec un écureuil, même, s'il le faut), mais un requin malgré tout. On ne discute pas, c'est la règle.
Comment, Raymond ? Le concept, c'est que les gens n'arrivent plus à dormir ?
Eh ben un requin qui ne dort pas, alors, qu'est-ce que tu veux que je te dise ?
Attends, attends... tu as fais quoi ?
Cramé tout le budget dans ton chimpanzé dégueulasse en images de synthèse Playstation 2 ?
Mais oui mais c'est tout toi, ça, aussi, Raymond. Toujours trop visionnaire, toujours trop ambitieux !
Un chimpanzé, c'est vachement plus difficile à faire qu'un requin !
Alors oui, bon, d'accord, on voit un poisson à la fin, mais c'est juste une p*tain de carpe, Raymond ! ça ne remplacera jamais un bon gros requin à trois têtes !
Ils en ont fait combien, des Carpenado, Raymond ?
AUCUN !
Et tu sais pourquoi ?
PARCE QUE TOUT LE MONDE S'EN FOUT, DES CARPES, BON SANG ? !
Pardon, je m'emporte un peu, mais c'est pour ton bien. Histoire que tu aies ta troisième année d'études de cinéma au rattrapage, au moins. On ne va pas te payer tout ça indéfiniment non plus.
Après, bon, je suis peut-être injuste. Peut-être que le réal'-scénariste (requin-écureuil) s'est mis en condition, on ne sait pas. Peut-être que pour plus de réalisme, il s'est imposé six jours de nuits blanches avant d'écrire son script (je collerais bien des guillemets partout mais ça deviendrait vite indigeste), et deux ou trois de plus avant de lancer le tournage. ça expliquerait pourquoi tout est aussi mauvais, des plans totalement insipides aux personnages dans la bonne moyenne des films de Casper Van Dien, mais sans le brushing impeccable et les semelles dans la tronche du voisin. Dès la scène de l'église, déjà, ça part tellement en sucette qu'on a les dents qui collent : les gens n'ont pas dormi depuis vingt minutes qu'ils sont déjà tous bons pour une chambre capitonnée dans l'Asile d'Arkham avec vue sur le Joker.
_ Bonjour Clothilde, vous avez prié Dieu aujourd'hui ?
_ J'AI FAIM JE VEUX MANGER UN TECKEL.
_ Houla. Sale nuit, Clothilde, non ?
L'idée était sympa sur le papier, pourtant, mais c'est tout ce qu'il y a à sauver de ce long métrage à dormir debout, dont on peine à croire que quelqu'un, un jour, à quelque niveau de la chaîne de production que ce soit, ait pu le prendre au sérieux.
Moi, je suis Netflix, on me présente ça, direct, je réponds "RENDS L'ARGENT !".
Bref. C'est mal filmé (big up aux plans avec la tête du scientifique hors champ sans raison - et s'il n'y avait que ça !), mal construit, mal dialogué, mal caractérisé et mal twisté (parce qu'il y a un twist à la fin, mais faut voir le niveau. Un requin aurait pu l'écrire. Et encore. Pas un bionique. Clairement).
Alors oui, bon, ça vaut plus un 3 qu'un 1, mais j'ai enlevé deux points à cause de la séquence "pensées profondes" du film, où un personnage nous explique qu'il faut brûler les livres pour tout recommencer en mieux parce que c'est leur faute si tout va mal dans le monde parce qu'en fait c'est pas vrai ce qu'il y a dedans ("OK, BOOMER ?"). De la part d'un gars qui n'est même pas fichu d'écrire un script de téléfilm M6 de troisième partie de soirée convenablement, et qui est convaincu que les gens se rebootent comme des ordinateurs, c'est un peu gonflé sur les bords. Surtout que le discours en question flirte dangereusement avec le platisme, ce qui n'arrage rien. Il faut l'entendre pour le croire. Mais ne pas l'entendre du tout, c'est encore mieux, parce que ça veut dire qu'on a regardé un autre film.
Conseil d'ami, Raymond : avant de brûler tous les livres, lis-en quand même d'abord un ou deux, ça ne peut pas te faire de mal.
Ah oui, et dors, aussi.
Si tu ne le fais pas pour toi, au moins, fais-le pour nous.
Pense aux requins.