Peut-être aurais-je naïvement aimé ce film il y a 7-8 ans, que là ça m’est impossible tant la volonté de Chazelle a faire sa fresque me parait ultra insistante, énorme bazaar d’Hollywood sur Hollywood, «rise & fall» vu 1000 fois, défilé de personnages caricaturaux interprétés par des acteurs en surjeu quasi constant, etc, en vrai au bout de 20 minutes je savais déjà à quoi j’allais avoir à faire et ça n’a pas manqué. Il faut tout de même avouer que le style énergique de Chazelle va de paire avec le thème de l’excès, de plus la revisite d’une partie de l’histoire du cinéma américain pouvait s’avérer excitante, mais ce tourbillon de 3h a ses limites..
J’ai souvent repensé à Boogie Nights au fil du film avec quelques points très semblables, comme l’euphorie du succès, le virage (parlant/vidéo) qui sonne le glas de la carrière d’une génération d’acteurs, la séquence avec Tobey Maguire qui ressemble comme deux gouttes d’eau à celle de l’arnaque à la cocaine chez PTA, c’est une recette vieille de 25 ans, qui déjà reprenait les ressorts de certains Scorsese. On pourrait se dire «pourquoi pas ?», seulement ça enfonce tellement des portes ouvertes sur l’industrie et sa dépravation qu’on en vient davantage à se demander ce que le film peut bien nous offrir à part ce que nous savons déjà. Restent tout de même quelques chouettes scènes de dialogues, toutes avec Brad Pitt, notamment celle où il clame le cinéma comme «art majeur car populaire» devant une représentation de la bourgeoisie, ou lorsqu’une critique lui balance ses quatre vérités en insistant sur le caractère immortel de l’image, rare moment de finesse du film.
Au niveau de la galerie de personnages, pourtant fournie, quasi aucun ne tire son épingle du jeu, hormis Pitt, on veut nous faire croire que l’acteur hispanique est le regard du film mais on le propulse presque par accident dans cet Hollywood ivre, sa relation avec Margot Robbie ne marche à aucun moment, cette dernière en Sharon Stone de Casino est grotesque d’hystérie cocaïnée. Il y a aussi le trompettiste qui ère dans le film, montré comme première vedette noire, se prénommant Sidney, comme Poitier, subtile, ou l’asiatique au katana aspirateur de venin dans une scène qui confine au sketch, c’est vraiment bizarre d’utiliser ainsi ces fameuses représentations qu’Hollywood cherche tant à préserver. Et en fait quand on relit les crédits on se rend compte qu’il y a certains acteurs que l’on semble n’avoir même pas vu tant c’est le bordel.
Et puis j’ai eu beaucoup de mal avec la partition musicale, et cette ritournelle de trompette qui pollue le métrage tout du long, on reconnait le compositeur de La La Land et c’est horrible, mais le pompon demeure cette fin sous forme de publicité pour la salle de cinéma, ça enlève à l’oeuvre tout ce qu’il cherche d’universel pour s’inscrire définitivement au rang de chronique. Et on semble imaginer Chazelle dans sa salle de montage lors du dernier plan croyant à son chef d’oeuvre, alors que l’on est en vérité (enfin pour ma part) surtout soulagé d’être délivré de ce gargantuesque calvaire.