Damien Chazelle revient et encore une fois, c’est une réussite. Même si, pour le coup, elle me paraît moins flamboyante que les précédentes et que ma propre cinéphilie baise sans doute mon ressenti global. Parce que oui, via cette fresque hédonique et fastueuse, un film fleuve, Chazelle délivre une lettre d’amour au cinéma. Sans doute un peu trop longue, peut-être un poil trop confuse par moment, mais toute aussi passionnée que les émotions qui l’animent. Les destins parallèles qui s’entrecroisent au grès de l’histoire ; la mise en place pendant l’arrivée du cinéma parlant ; les stars qui se font et se défont ; la grandiloquence des années 20 ; les personnages torturés en quête d’un bonheur inatteignable ou, pire, qui les fuis ou qu’iels sont incapable de saisir ; les spirales infernales dont iels ne peuvent plus en sortir… Tout autant d’éléments assez classique déjà vus ailleurs, mais que Chazelle utilise ici pour créer un cadre commun, une grammaire accessible à tous.
Car au-delà d’une simple lettre d’amour sur le cinéma, au-delà d’un simple film sur le cinéma, Babylon est surtout un film sur ce qui fait le cinéma. Son industrie, ses frasques, ses stars, ses producteurices, ses réalisteurices, ses scénaristes, ses techniciens (du son ou de l’image), et puis surtout et avant tout : ses spectateurices. Le film peut se résumer à la simple promesse de Manny au début du film : faire partie de quelque chose de plus grand. Pourquoi le cinéma demeure aussi populaire ? Pourquoi nous fait-il autant rêver ? Qu’est-ce qui le rend, pour paraphraser Elinor, si intemporel ? Ou universel ? Alors bien sûr, c’est un énorme morceau, et les réponses données sont parfois assez peu subtiles ou survolées. Mais le cœur y est, il ne reste plus qu’à creuser. L’ultime séquence, dans un montage kaléidoscopique et psychédélique, en sera la dernière couche.
Le principal soucis du film est sa longueur. Notamment son dernier tier qui, à mon sens me paraît plutôt superflu et redondant avec ce qui avait déjà été mis en place (en revanche, son épilogue donne tout son sens au film !). Ce qui est un peu dommage, tant le reste fonctionnait très bien, et que certaines des scènes parvenaient justement à créer cette dimension intemporelle et universelle. Que ce soit le prologue qui nous plonge dans une orgie sans commune mesure ; ou bien la première journée de tournage de Manny et Nellie, qui en devient même épique ; l’arrivée du parlant, où on ressent le basculement complet du monde ; ou encore justement cette scène, très longue mais terriblement palpitante, sur le premier film parlant de Nellie.
Le casting est bien sûr au top, une fois de plus. Le trio principal Brad Pitt (charismatique et pourtant si fragile), Margot Robbie (incendiaire) et Diego Calva (touchant) domine l’ensemble, mais on y trouve pas mal de seconds rôles tout aussi solides et intéressant dans ce qu’iels présentent (notamment Jean Smart). Quant à l’aspect technique, point d’orgue même du film, c’est une belle réussite. On retrouve la patte de Justin Hurwitz à la musique, qui accompagne de façon toujours aussi efficace le film. Les décors et les costumes sont vraiment super ; et la mise en scène de Chazelle, couplée avec une photographie magnifique et un montage bien efficace, enrobe le tout dans un écrin fabuleux.
Bref, j’attendais Babylon et je n’ai pas été déçu. En dehors de ce dernier tiers, le reste du film est une réussite de bout en bout, qui ne parlera peut-être qu’aux cinéphiles et aux rêveurs, mais qu’on reçoit à merveille. D’aucun pourrait la qualifier de prétentieuse, mais je défie quiconque de me montrer une lettre d’amour passionnée qui ne le soit pas.