Et c'est ainsi que le cinéma se meurt. Lentement mais sûrement, la pellicule se vide de toute émotion et de toute substance. Et l'extrême finesse des grands films de l'âge d'or d'Hollywood disparaît, laissant place à une formidable bouse à 100 millions de dollars. Car oui, Damien Chazelle a bien déposé de gros étrons plaqués or devant les tombes de Frank Borzage, Gloria Swanson, Buster Keaton, Charlie Chaplin, Al Jolson, King Vidor... Qui n'avaient pourtant rien demandé en retour. Et surtout pas qu'on foire de façon totale un hommage (?) à une période magique du cinéma américain.
Pour rappel, des gens talentueux ont réalisé Titanic avec le même budget.
Babylon sombre dès le début, avec une séquence d'ouverture ratée dans laquelle un éléphant défèque longuement sur la tête d'un personnage. Elle préfigure bien de façon métaphorique ce que va être le film : 189 minutes remplies de matières fécales irritantes pour les yeux, les oreilles et l'âme.
Alors oui certaines personnes ont du vraiment s'amuser et prendre du plaisir à faire ce film comme le directeur de la photo, la chef costumière ou encore les millions de figurants qui occupent l'écran à longueur de plan et qu'il a fallu nourrir et abreuver pendant des semaines.
Le spectateur quand à lui est laissé à distance de la fête. On lui demande d'admirer la qualité de la lumière, la beauté d'un panoramique ou la fluidité d'un travelling.
Les personnages ? A peine esquissés.
Brad Pitt est réduit à l'état de silhouette toujours pourvu d'un verre de whisky et dispensant un jeu parkinsonien, le minimum syndical, l'air de s'en fiche royalement de tout ce qui pourra bien advenir. A peine a t-on le droit de l'accompagner jusqu'à son final dans la salle de bain. Scène de suicide encore ratée car absolument prévisible, presque mécanique. Le cerveau enregistre ce qu'il vient de se passer et puis hop on repense aux factures à payer.
Margot Robbie danse comme Beyoncé au Grammy Awards, nous sommes en 1928 et ce n'est pas bien grave. Baz Luhrmann l'a déjà fait dans Moulin Rouge mais lui au moins maîtrisait son sujet.
Il est tout à fait possible que Chazelle se soit laissé dépasser par le projet. Trop d'argent, trop de monde, trop d'histoires parallèles à raconter. Mais à la différence de Copolla et de son Apocalypse Now. Chazelle ne s'en sort pas et laisse faire. Comment ce film au budget astronomique a t-il pu passer ses premiers screens tests sans se faire recaler par le studio, les producteurs voire par les acteurs eux-mêmes ? Par quelle magie laisse t-on filer 100 millions de dollars sans générer la moitié de la moitié de la moitié des émotions suscitées par, au hasard, Sunset Boulevard ? Damien Chazelle a donc magnifiquement réussi son Titanic à lui. A t-il lu un seul livre sur les début d'Hollywood ? Lui a t-on raconté l'histoire de Rudolf Valentino ? De Douglas Fairbanks ? Barbara Stanwyck ? Greta Garbo ? Rita Hayworth ?
Le spectateur passe en touriste, assis dans son bus pour un tour des studios Universal.
A la fin du film Diego Calva (parodie de second rôle sans épaisseur et doté d'un accent grotesque) pleure devant Singin in the rain et nous aussi mais pour d'autres raisons.