Ratage magnifique, le film fleuve de Chazelle confond hommages au 7ème Art et clip oscarisable , « bigger than Life » et boursouflé, art populaire et vulgarité.
La vulgarité assumée commence dès les premières minutes avec des défécations et orgies en tout genre et fait penser assez fort au « Show Girl » de Verhoeven, autre grand plantage boursouflé mais sincère, avec la starlette prête à tout pour réussir (la carrière même de Margot Robbie rappelle celles d’Elisabeth Berkley,en mieux, certes), l’ambiance comédie musicale, et la belle palette de couleurs jaunes et ocres des déserts et du soleil couchant….
Les références sont très nombreuses dans le film et on admire évidemment, au milieu du naufrage, la cinéphilie érudite de Chazelle et une certaine visée documentaire qui rendent le film émouvant entre deux clips : le passage au parlant et ses stars déchus, le Cinéma comme Industrie et Art ( la scène en 7 prises du premier film parlant de Margot Robbie), les clins d’œil à Scorsese, Tarantino, Gaspar Noé (dans la scène apocalyptique de club hardcore), pour ne citer que les plus surprenants…
Le scénario est indigent voire inexistant dans un curieux mélange de furie narrative et de sauts temporels en un plan qui annonce l’année d’arrivée, et on peine à s’attacher aux stéréotypes convoqués par l’auteur, les acteurs sont sublimement beaux ou laids mais jamais très profonds, et Chazelle abuse des gros plans dans une esthétique stylée, publicitaire et efficace.
Mais le plus touchant de Babylone est probablement l’extraordinaire symétrie (pour une œuvre qui se voulait un film Monde référentiel et grand public) entre son destin désastreux en salle aux États Unis et la très belle scène où Brat Pitt, impeccable du début à la fin, assiste en coulisses à la réaction cruelle du public à ses débuts ratés dans le Cinéma parlant : comme lui, la Star de Lalaland s’est plantée en voulant sincèrement faire son métier, avec ambition.
A ce moment là, le film touche au sublime,incluant de manière inconsciente et parfaitement prophétique, sa propre autocritique. Truffaut ne disait pas autre chose dans la Nuit américaine sur le tournage du film et son résultat…
Espérons que Chazelle ne connaîtra pas le même destin que Jack Conrad dans le film et souhaitons lui justement un destin à la Verhoeven qui se releva de Show girls et nous régale depuis de ses œuvres singulières et brutes.