Adaptation de la pièce de Catherine Léger et deuxième réalisation de Monia Chokri après La Femme de mon frère, la comédie Babysitter s'offre le visuel digne d'un bon Dolan (elle a repris sa chef déco) et l'humour décalé de sa réalisatrice. On ne compte pas les plans où l'on se dit que "ça ferait un chouette tableau à la maison", tant l'esthétique des décors est travaillée, comme une vision fanée des bourgs des années 50, trop colorés, trop plein d'objets d'art déco, avec des vêtements qu'on n'oserait plus porter sauf à la fashion week, mais l'intrigue se situe bien en 2022. Le contexte post-MeToo ne nous en fait jamais douter : le film tape autant sur les machos qui se permettent trop, que sur tous les internautes et spectateurs télé qui se font juges à la place du juge en un claquement de doigts. On a adoré cette position de l'entre-deux, comme si l'on devenait le témoin de deux camps opposés qui s'écharpent et dont le principal intéressé fait son pain béni (pendant que tout le monde juge, lui voit comment tirer profit du battage médiatique, et c'est bien là que Babysitter propose un scénario rusé). On s'est parfois un peu perdu dans le côté foutraque de l'humour (ça va très loin, très vite), mais on s'est rattrapé au final par le côté fantasmagorique, si ce n'est purement fantasmé, de la baby-sitter...
Tel l'esprit qui apparaît pour révéler tous les désirs les plus profonds de leurs interlocuteurs, qu'ils soient libérateurs ou pervers, puis les plante en pleine catharsis pour qu'ils repartent sur les bases d'une vie plus honnête,
la baby-sitter nous a ramené aux personnages les plus intéressants des films noirs (Chokri s'est inspirée des films giallos et expressionnistes). Le rythme est excellent, on ne voit pas la petite heure trente défiler, et l'on plonge gaîment dans ce bazar humoristique qui contraste avec la minutie des compositions visuelles. Mention aussi à tous ces plans où un objet ou un personnage débarque dans le plan sans qu'on l'y invite, comme une case de BD qui ne supporterait pas le hors-champ (la tasse de thé qui se jette en premier plan devant le regard surpris de l'épouse, on a adoré). Décalé, mais pas débile, et ça change tout.