Si cette nouvelle curiosité venue du Québec évoque par moments Buñuel et Pasolini (la babysitter éponyme a les mêmes effets et la même fonction que le Visiteur de Théorème), les déconcertants partis pris de réalisation de Monia Chokri évoquent plus la pâte d'un Jean-Marie Poiré période années 90 : montage sur-cuté (l'ouverture est plus insupportable qu'un générique de Gaspard Noé), zooms anachroniques, gros plans vulgaires, cadrages des visages qui créent presque un effet fish eye, acteurs qui jouent comme dans un cartoon, personnages qui hurlent (parce qu'ils parlent en même temps ou qu'il y a un mixeur allumé dans la cuisine), musique psychédélique et filtres vaporeux qui convoquent toute l'esthétique du porno des 70's...
Non dénué de quelques réussites visuelles très ponctuelles, ce gloubi-boulga poético-grotesque hystérique met à l'épreuve plus souvent qu'il n'emballe, et il s'en est fallu de peu que je ne sois le premier spectateur à quitter une salle qui s'est vidée de son tiers pendant la projection.
Sur le fond, en vrac : une analyse critique de la misogynie, de la récupération putaclics par les médias (réseaux sociaux, télé et maisons d'édition) du moindre buzz, des paradoxes du féminisme 2.0 qui met du male gaze même dans les yeux des femmes (cf. l'air ahuri de la mère au foyer qui découvre sa babysitter habillée en soubrette de chez Dorcel et qui se voit reprocher d'avoir les idées mal placées), de la charge mentale qui pèse sur les femmes, de la mort du sexe dans une époque obsédée, de la mauvaise foi des hommes qui font semblant de ne pas voir le mal dans leur attitude ou prêchent un féminisme de circonstance qui dissimule mal leur nature de prédateurs...
Là aussi, un maelström d'idées passées à la moulinette d'un scénario qui veut tellement tout en même temps (faire la morale ET faire rire, dénoncer une réalité ET ses contradictions, choquer ET émouvoir, prendre la défense ET attaquer) qu'il finit, malheureusement mais immanquablement, par accumuler les grossièretés et les caricatures, jusqu'à tomber dans l'écueil de la misandrie, ou en tout cas de son hypothèse.
Ainsi, fallait-il vraiment que tous les personnages masculins soient indécrottablement débiles et que leur prise de conscience (de dernière minute, littéralement) soit si naïve ? Ne pouvait-on envisager une réconciliation hommes/femmes sans passer par l'étape d'une sororité lesbienne ? Était-il nécessaire, pour lui faire comprendre les méfaits de sa misogynie ordinaire, que le mari manque de se faire violer par sa femme en gode-ceinture ?
Jusqu'au bout, jusqu'à son dernier plan, tout à la fois beau et douteux, le film cultive une ambiguïté, intrigante et malsaine, sur cette ère post #MeToo qu'il aborde par le flan de la fantaisie trash. Pour abandonner le spectateur dans la plus grande confusion, tant le traitement du sujet contrarie si souvent, si violemment, par tous ses choix esthétiques et d'écriture, une intention incontestablement louable.