Environ 2 ans après la sortie du très apprécié et acclamé « Les Misérables » de Ladj Ly, un autre film sur les cités à problèmes voit le jour. Cette fois-ci, c’est Cédric Jimenez, réalisateur notamment de « La French » (2014) et de « HHhH » (2017), qui nous présente son film « Bac Nord ».


En 2012, Grégory, Antoine et Yassine, trois membres de la BAC Nord de Marseille, officient dans des missions dangereuses. A la suite de l’une d’entre elles, ils détériorent du matériel, ce que Jérôme, leur chef de service, leur reproche. Celui-ci demande d’ailleurs au trio d’arrêter les interventions dans les quartiers chauds. Cependant, à la suite d’une information délivrée par une indic d’Antoine, ils pensent pouvoir empêcher la livraison d’une importante cargaison de drogue. Mais les dangers sont partout et chaque mission entraine son lot de problèmes, notamment dans ses conséquences…


Cédric Jimenez propose un film très fort, en trois temps. Dans un premier temps, il présente les personnages, leurs enjeux professionnels et personnels (par exemple, Yassine attend un enfant ; Grégory est presque sur la sellette du fait de ses interventions musclées sur le terrain). Dans un deuxième temps (le plus intéressant du film), on suit l’équipe dans une importante enquête visant à démanteler un réseau de trafic de drogue dans une cité dangereuse des quartiers nord. Dans un troisième temps (le bémol du film selon moi), on nous montre les conséquences néfastes de l’enquête pour l’équipe, sous différents aspects.
La première partie du film propose un rythme assez dynamique, notamment avec sa scène d’ouverture parfaite, où le trio poursuit en voiture un jeune en moto qui refuse de s’arrêter pour un contrôle. L’ambiance est forte, et la course-poursuite est parfaitement filmée, avec un gros travail sur le son notamment. Les personnages sont correctement présentés.
Par la suite, l’enquête menée dans la cité est très intéressante et prenante, voire stressante. Et une comparaison immédiate peut être faite avec « Les Misérables » de Ladj Ly, car le schéma est assez similaire, sans pour autant qu’il s’agisse d’un copié-collé, ce qui est bienvenu et heureux.
C’est la troisième partie du film qui est la moins intéressante, car elle est trop longue et fait presque sortir du film par moment. Elle montre cependant la réalité des choses, les conséquences que peuvent avoir une mission d’une telle envergure sur une petite équipe de la BAC parmi les autres, notamment en ce qui concerne les moyens mis en œuvre pour parvenir à achever l’enquête. Cette partie aurait dû être plus courte pour gagner en intérêt.


Les acteurs sont excellents, notamment en ce qui concerne le trio de tête. Gilles Lellouche (Grégory) en fait parfois peut-être un peu trop, surtout dans la dernière partie du film, mais il reste très convaincant. François Civil (Antoine) confirme qu’il est la flèche montante actuelle du cinéma français, et démontre une panoplie de jeu assez remarquable, que ce soit dans la comédie ou le drame. Mon véritable coup de cœur est pour Karim Leklou, interprète de Yassine, qui joue avec brio ce flic tiraillé entre sa volonté de mener à bien ses missions, peu importe la manière, et de protéger sa famille et notamment son nouveau-né. Il convient également de retenir les performances respectives d’Adèle Exarchopoulous (la femme de Yassine) et de Kenza Fortas (l’indic d’Antoine).
Par ailleurs, la bande originale est assez incroyable, avec un mélange de création, dirigée par Guillaume Roussel, simple et efficace, et de morceaux empruntés ici et là, notamment au monde du rap. Les musiques ne sont jamais en trop, ne font jamais tâches et sont bien choisies. On peut notamment penser à « La bandite » de Jul, lorsque le trio prend en flagrant délit un jeune détruisant une voiture et l’amène avec eux en voiture. La musique du générique de fin (et de la bande annonce), « Tears » est la plus connue et la mieux choisie.


Cédric Jimenez crée un très bon film, avec une bonne réalisation. La scène d’ouverture est excellente, et toute l’enquête pour empêcher le trafic est très prenante, à l’image de la scène finale dans « Les misérables ». D’un point de vue scénaristique, les deux films se rapprochent beaucoup, mais c’est sur le point de vue qu’ils s’éloignent : si Ladj Ly tenait dans son film à faire un état des lieux objectif, en suivant la BAC mais aussi les jeunes de cité entre eux, Cédric Jimenez choisit de prendre un point de vue unique, celui de la BAC Nord de Marseille, et c’est ce qui permet à son film de ne pas être une redite par rapport à celui de Ladj Ly, car il offre de nouvelles choses à découvrir. Mais cela ne plait pas à tout le monde…


« Ne craignez-vous pas que votre film incite les français à voter pour Marine Le Pen lors de l’élection présidentielle de 2022 ? ». Cette question posée par un journaliste au réalisateur, Cédric Jimenez, lors de la présentation du film au Festival de Cannes 2021, a entrainé une polémique. S’agit-il d’un film d’extrême droite et/ou d’un film visant à protéger et défendre les policiers face à l’horreur des cités, en particulier à Marseille ? Le réalisateur s’est défendu en affirmant qu’il fait simplement un état des lieux de la situation, qui est à ses yeux terribles… et il a bien raison. L’actualité autour du film l’a montré, car de nombreuses attaques ont eu lieu à Marseille au cours de l’été 2021, au moment où le film sortait (enfin) en salles en France.


A titre personnel, je ne considère pas que ce film est d’extrême droite. Je reconnais en revanche qu’il est inquiétant que des gens comme Marine Le Pen ou Eric Zemmour s’attribuent la réussite de ce film pour défendre leurs idées nauséabondes, car je ne pense pas que le projet du film soit de défendre ces « causes ». Selon moi, ce très bon film (surtout dans ses deux premiers tiers) fait un constat terrible de la situation et montre que la haine vient de partout. Aussi bien des flics vis-à-vis des gens des cités que de ces derniers pour la police, ou même l’autorité en général. De plus, contrairement au film « Les misérables », qui montrait que c’était dans les cités dans leur globalité qu’il y’avait un problème et qu’il fallait intervenir aussi bien du point de vue de la population que des forces de l’ordre, je n’ai pas senti ce message dans « Bac Nord » : personnellement, j’ai compris le film comme un message anti-drogue, en ce sens qu’il montre que les cités sont en voie de perdition à cause de ces groupes et de ces trafics, qui mettent en danger les habitants. Je ne crois pas que le message soit d’éradiquer ces cités. Il faut éradiquer la drogue, les trafics, et surtout, la haine, des deux côtés. Savoir qui est responsable n’arrangera pas la situation. Il faut éduquer les jeunes, et virer de la police les cow-boy qui attisent cette haine. Car on peut dire que les policiers n’ont parfois pas le choix, soit. Mais je pense que les jeunes ne sont parfois pas mieux traités. Tout le problème est là : au lieu de régler les problèmes par la violence, le dialogue est plus sage. Sinon, rien ne sera réglés. Et c’est là qu’on peut dire qu’on risque d’être tous foutus.

HugoDe_Ranter
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le 25 sept. 2021

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Hugo De Ranter

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