Malcolm & Marie
6.7
Malcolm & Marie

Film de Sam Levinson (2021)

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En France, pendant le confinement de mars 2020, des réalisateurs/scénaristes ont eu l'idée de nous pondre des films comme "Connectés", loin d'avoir un grand intérêt. De l'autre côté de l'Atlantique, aux Etats-Unis, un réalisateur, Sam Levinson, a écrit un scénario très rapidement, a loué un décor, a fait venir deux acteurs, a mis en place un huit clos, et ainsi, en quelques semaines, est né "Malcolm & Marie", sorti sur Netflix.


Après une grande soirée de projection de son film, Malcolm rentre chez lui avec sa compagne, Marie, avec l'intention de célébrer sa réussite comme il se doit. Mais très vite, il se rend compte que quelque chose ne va pas : sa femme est froide, distante, et a l'air faussement joyeuse. En effet, elle lui en veut : il ne l'a pas remercié, et ne l'a même pas mentionné dans son discours. Pourquoi ? Ainsi commence une longue soirée pour les deux amants, de disputes, d'explications, de rage, de folie...


Ce film constitue un dialogue quasiment ininterrompu d'1h40 d'un couple qui a des choses à se dire : des pensées actuelles, des rancœurs, des souvenirs enfouis, des douleurs, des peines... La tension est à son comble, elle monte doucement, puis elle monte vite, on atteint parfois visiblement un point de non-retour, puis tout redescend... et tout repart. Les deux personnages veulent autant se comprendre que se clacher et s'insulter. Ils veulent autant tout reconstruire que tout détruire. Ils veulent autant s'aimer que s'haïr.
D'un côté, il y'a Malcolm, beau gosse, la grosse tête, s'autoproclamant (avec l'aide d'une presse qu'il déteste) nouveau Spike Lee (réalisateur de "Malcolm X" ou plus récemment de "Da 5 bloods") ou Barry Jenkins (réalisateur du très beau "Moonlight, lauréat de l'Oscar du Meilleur Film en 2017), ne pensant qu'à sa gloire, qu'à la réussite de son film, et à sa réussite personnelle. De l'autre côté, il y'a sa compagne, Marie, jeune, insouciante, rêveuse, mise à l'écart par son bien-aimé. Les deux amants s'aiment-ils ? Font-ils semblant ? Disent-ils la vérité depuis toutes ces années où ils sont ensemble, ou se mentent-ils, aussi bien l'un à l'autre qu'à eux-mêmes ? Toutes ces questions sont l'objet du long dialogue, en plusieurs actes, réalisé par les deux personnages.


Ces derniers sont campés par deux acteurs sublimes : Zendaya (vue dans l'actuelle saga "Spiderman" avec Tom Holland ou dans la série "Euphoria") est exceptionnelle de justesse, interprétant Marie avec un regard glaçant, une capacité à montrer aussi bien sa peine que sa colère, sa jalousie et sa rancœur, lâchant des punchlines terribles, et montrant un mal-être profond ; John David Washington (vu dans "BlackKklansman"... de Spike Lee ou "Tenet") est extrêmement juste, le rôle de Malcolm lui colle parfaitement à la peau, notamment cette séquence hallucinante d'une dizaine de minutes où il démonte absolument tout le monde, notamment à Hollywood. Le film est sorti trop tard pour les Golden Globes, mais les deux acteurs sont en lice pour les Oscars, à n'en pas douter, et ils ne seraient pas volés.


Au niveau de la mise en scène, le film ne manque pas d'idées. La première est d'avoir réalisé ce film en noir et blanc, ce qui n'est pas anodin. Au-delà du discours sur la thématique noir-blanc qui intervient dans le film, ce choix d'absence de couleur sublime les plans, le décor, et surtout les personnages. Ensuite, le lieu choisi est une grande maison, et le réalisateur s'en sert : plutôt que de rester uniquement dans un salon, le film passe par toute les pièce, allant de la cuisine jusqu'aux toilettes, du salon jusqu'à la salle de bain, du jardin jusqu'à la chambre. Toute la maison sert de lieu de dispute et d'énervement, comme si les pièces refermaient elles-mêmes cette colère des personnages... et montre que malgré la grandeur du lieu, ces derniers n'ont visiblement pas de moyens d'échapper à leur situation. Les plans de caméras suivent cette idée, jouant beaucoup sur la mobilité des personnages : lorsque les choses vont bien, qu'ils sont calme, et restent dans une même pièce, la caméra reste fixée sur eux et ne bouge pas ; mais dés lors que les choses s'enveniment, s'emballent, les deux héros changeant parfois de pièce, la caméra décolle, les suit, accentuant cette tension et cette colère pleine d'énergie. Le réalisateur, Sam Levinson, n'est pas en reste, et au-delà des acteurs, il est évident que le film va concourir pour plusieurs statuettes lors de la prochaine cérémonie des Oscars.
Les dialogues sont extrêmement bien écrits, le film est rythmé, et malgré quelques longueurs, on ne s'ennuie pas, avec quelques scènes mémorables, des critiques très pertinentes (notamment sur le fonctionnement actuel d'Hollywood et de ses contours), et des thématiques abordées très intéressantes.


En tant que célibataire, j'ai apprécié ce film. Nul doute que si j'avais été en couple, je l'aurais également apprécié. Autant que si j'avais été marié, ou divorcé. Ce film n'est pas une basique histoire de couple. Ce n'est pas une histoire d'amour. C'est l'Histoire de l'Amour.

HugoDe_Ranter
8
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le 8 févr. 2021

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Hugo De Ranter

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