Dès son ouverture sordide le film englue le regard dans la monstration monstrueuse de la vie de Bubby : escogriffe coiffé à la diable, attardé torturé par sa mère, qui vit, à son insu, une parodie parfaitement glauque du pire cauchemar œdipien en vivant séquestré par sa Jocaste cannibalesque dans une petite pièce à peine plus fastueuse qu’une décharge…
Huis clos d’une vingtaine de minutes, éprouvant, traumatisant qui débouche, heureusement, sur un vagabondage sommairement imprégné d’espérance et d’humanisme qui constituera le corps du film.
Effectivement, après s’être extirpé de ses schèmes originels tout pénétrés de sadisme, Bubby découvre le monde et, malgré sa socialisation atrophiée ainsi que la survivance de toute la violence subie, parvient à vivre une initiation bizarre, une individuation surréaliste autorisée par des rencontres autant personnelles que conceptuelles tel l’enseignement d’un organiste quant à la possibilité d’envoyer chier Dieu - dans un laïus qui rappelle l’athéisme existentiel - ou encore la découverte du pouvoir cathartique de l’art tandis qu’il s’approprie la scène musicale comme médium psychodramatique…
Etonnamment, par-delà la répulsion et le malaise, quelque chose d’artistique se dégage de ce cinéma expérimental, un trouble qui évoque les sentiments véhiculés par les œuvres expressionnistes ; ainsi le film dispose-t-il de scènes qui ont quelques fibres communes avec l’exposition crue de la chair dans une toile de Freud ou encore avec le malaise suscité par une photo de Diane Arbus…
C’est une composition adroite et cohérente il me semble que propose ici Rolf de Heer, un film étrange à recommander à des personnes averties.
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