Qu'il est difficile de voir que ce film n'attire pas l'attention. Lorsque l'on tape le titre sur google on tombe sur des films plutôt récents et mauvais, alors que Bad compagny est un bijou du nouvel Hollywood. Le film cristallise ce qu'était cette période cinématographique. Son impopularité est un mystère pour moi. On a pourtant de beaux noms à l'affiche. Jeff bridges au casting, Robert Benton, à qui on doit Kramer contre Kramer et le scénario de Bonnie and Clyde, à la réalisation et Gordon Willis a.k.a le prince des ténèbres à la photographie. Comment ces 3 noms n'attirent-ils pas la curiosité ? Le film a sans doute été un échec à sa sortie ce qui est bizarre tellement il est représentatif du cinéma de cette époque.
On suit Drew Dixon en pleine guerre de sécession qui fuit l'armée de l'Union en traversant l'Ouest avec une bande de jeune bandits, dirigée par Jake Rumsey. Un scénario simple et efficace en apparence, car ne l'oublions nous sommes dans les années 70 et rien n'est simple. Derrière ce script, se cache tous les thèmes du cinéma hollywoodien de cette époque. On y montre une jeunesse contestataire, une Amérique du 19ième siècle loin du mythe de l'Ouest, des personnages ambivalents et un style propre au réalisateur dans la mise en scène. Je vois ce film comme une allégorie de la Guerre du Vietnam. Où les jeunes américains militaient contre la guerre. Dans ce film, les jeunes refusent l'armée et partent en quête de liberté. Ils sont prêts à vivre dans la misère pour échapper à ce fléau. Précisons qu'ils fuient l'armée de l'Union, celle du nord. Cette armée dont l'Amérique est plutôt fière, est dans ce film montrée comme celle qui tue la jeunesse. Représentation de l'idéologie américaine lors de la guerre du Viêt-nam qui prônait la fierté de leur puissance militaire tout en fermant les yeux sur les morts qu'elle a inutilement engendrée.
Robert Benton à écrit le scénario avec l'aide de David Newman, les deux à qui nous devons le Bonnie and Clyde d'Arthur Penn. Et on discerne quelques ressemblances dans les deux films. Les deux sont des sortes de road-movies, on s'intéresse principalement à un duo de personnages jeunes, l'Amérique est pauvre, les autorités sont les méchants du film et les bandits les héros. Si l'on est fan du nouvel Hollywood on ne peut ne pas aimer l'histoire. Symboliquement forte, elle captive par sa fraîcheur des autres westerns, qu'ils soient américains ou italiens. Même si le film sortait aujourd'hui, il conserverait cette fraîcheur. Et comme tous road-movies la fin doit être ambiguë. Mais aussi quelque peu pessimiste.
Côté réalisation Robert Benton maîtrise son sujet alors que c'est son premier film. Ses choix retranscrivent à merveille les émotions des personnages. La violence est crue et en même temps presque comique. Il rend ces moments très déstabilisants. Il filme très bien les moments de complicité entre les jeunes de la bande tout en montrant de manière plutôt subtile le déchirement qui s'opère entre eux tout au long du film.Il joue beaucoup avec les différentes échelles de plans et la longueur temporelle de ces derniers pour symboliser les liens qui se rompent. Les acteurs sont tous bons, ce qui témoigne d'une certaine aisance dans la direction d'acteurs mais aussi dans leur talent. N'oublions pas que nous parlons de Jeff Bridges mais aussi de John Savage.
Bad compagny est un film remarquable qui mérite une reconnaissance, certes sur le tard, beaucoup plus grande. Il incarne parfaitement le nouvel hollywood et encore aujourd'hui il peut raisonner auprès de certaines générations. Jetez-vous sur cette fulgurance de Robert Benton. Je vais tacher, moi, de découvrir le reste de sa filmographie qui, en plus de Kramer contre Kramer, doit être très riche.