Et dire que Radu Jude avait commencé par la réalisation de La fille la plus heureuse du monde ! Progressivement, le cinéaste roumain s'est libéré des contraintes de narration classique et n'hésite plus à manier la satire et le provocation, quitte à prendre les spectateurs à rebrousse-poil. En cela, Bad Luck Banging or Loony Porn, Ours d'Or à Berlin, outrepasse largement tout ce qu'il a tourné jusqu'alors. A partir de la Sex Tape d'une enseignante qui a fuité sur Internet, Jude analyse en profondeur la société roumaine, sous-entendant que la pornographie et la violence ne sont pas nécessairement là où le commun des mortels la voit. Le film commence par une vidéo amateur explicite et poursuit par une promenade dans Bucarest où l'on perçoit l'agressivité ambiante, dans le contexte de la pandémie actuelle, avec masques à la clé. La partie suivante, foisonnante, est une sorte de dictionnaire qui évoque tous les sujets possibles et imaginables, avec parfois des images d'archives, dans une posture très godardienne. Ceci avant de passer au jugement de l'enseignante par un tribunal populaire (un mot qui signifie quelque chose en Roumanie) composé de parents d'élèves. Les répliques fusent, montrant l'hypocrisie sociale, le négationnisme, le racisme, la misogynie et autres joyeusetés. Autant dire que le film est un fourre-tout pas facile à digérer qui, malgré ses fulgurances, est assez inégal, lesté d'outrances et volontairement grotesque et loufoque, par endroits. Pas un spectacle recommandable pour tous, sans doute, mais le genre d’œuvre qui ne se laissera certainement pas oublier facilement.