La production des films de Noël se divise généralement en deux catégories : les romances et comédies célébrant l’amour, le partage et la joie, et à l’inverse celle qui se vautre dans la fange de l’irrévérence pour en pervertir l’esprit, avec humour et violence. Mais cette catégorie ne vise que les sociopathes et les cinéphiles avertis. Paradoxalement, le genre manque de comédie grasse et potache, et pour Un Père Noël est une ordure, il faut se coltiner myriade de contes sirupeux et de drames familiaux tout juste bon à émouvoir la ménagère devant sa vaisselle. Et ce n’étais pas Super Noël, la comédie des studios Disney qui allait se risquer à défroquer le père Noël. Il aura finalement fallu attendre que Terry Zwigoff daigne s’y coller avec cette comédie cynique et décalé sur une idée soufflé par les frères Coen (Fargo, The Big Lebowski, Barton Fink). Son précédent long-métrage (Ghost World) s’intéressait déjà à des adolescentes, s’éprenant d’un looser pathétique et attachant (Steve Buscemi).
Il est également question de l’admiration d’un enfant dans Bad Santa envers un minable sac à vin, vulgaire, misanthrope et libidineux. Willie est à l’instar de ses congénères chômeurs de longues durées, un père Noël intérimaire, plein de vices à peine cachés. Son réconfort, il ne le trouve pas dans les confidences des morveux, mais bien au fond d’un verre. Ses seules passions dans la vie se limitent à baiser des filles dans les cabines d’essayages, et à claquer toute ses thunes dans les débits de boissons et boîtes de strip-tease. En réalité, ce boulot est une couverture lui permettant d’infiltrer les centres commerciaux pour les dérober une fois la nuit tombée avec son acolyte Marcus, un nain cupide sapé comme un lutin. Mais à force d’excès de débauche et de ram-dam, l’étau va commencer à se resserrer dangereusement sur le duo de malfrats surveillé de près par un chef de la sécurité véreux, une barmaid nympho, et un morpion obèse et casse-bonbon.
Avec son humour pipi-caca et ses blagues potaches, Bad Santa aimerait s’imposer comme la comédie sulfureuse et transgressive de la production Noélique. Mais les promesses n’engagent que ceux y croient. En effet, le film de Terry Zwigoff coche à peine les cases du politiquement incorrect avec ses jurons, ses crises de délirium et l’incontinence crasse de son père Noël soulard. Si le comique de situation et certains dialogues devraient aiguiser vos zygomatiques, la mise en scène peu fantaisiste n’aide pas le film à voler plus haut que son elfe afro. Le réalisateur livre néanmoins un portrait touchant, celui d’un jeune autiste, souffre-douleur et naïf vivant dans une bulle de déni existentiel que Willie cherchera à corrompre tout du long. L’intérêt du film tient en très grande partie sur cette relation filiale orchestré entre les deux protagonistes, à la fois drôle et touchante, notamment grâce à l’interprétation de Billy Bob Thornton au naturel (avec 3 grammes dans chaque bras). Il se pourrait même que l’acteur parvienne à vous tirer quelques larmes dans ses élans mélancolique, dépressif et suicidaire. Bien que le film souffre d’un happy-ending anecdotique et d’une traditionnelle quête de rédemption largement rebattu. Il y a un petit déchirement à voir ce criminel tenter de se repentir avec une bonne action après avoir éplucher tout son monde jusqu’au trognon. Un éléphant, ça trompe énormément.
En cette période de festivités où il convient de se réunir en famille, d'ouvrir les cadeaux et de déguster une bonne pintade fourrée. L’Écran Barge vous propose de déterrer la hache de guerre en pervertissant l'esprit de Noël. Cette sélection de films saisonniers accompagnés de critiques virulentes et acerbes est donc réservés aux viandards, aux bisseux, aux tueurs de masses, aux durs à cuirs, aux frustrés et à tous ceux qui ne croient plus aux bons sentiments et à la paix dans le monde depuis bien trop longtemps.