Une fresque flamboyante dont le script étriqué et les scènes de bataille sont le point faible

Après avoir visionné 4 films de Sanjay Leelah Bhansali, qui en a réalisé 11 à ce jour, et sans chercher à prouver quoi que ce soit, je pense commencer à comprendre les tenants et aboutissants de son cinéma. Ce qui marque en premier lieu dans ses œuvres, au-delà de l’aspect spectaculaire grandiloquent et de la dramaturgie à connotation Shakespearienne qu’il semble imprimer à tous ses films, il a d’ailleurs adapté une variation de Roméo et Juliette avec Ram-Leela, c’est une espèce de désillusion sur l’homme et son œuvre, et ça se ressent fortement dans leurs conclusions. Pas de fin heureuse dans les films de Bhansali, l’homme finit par payer le prix de ses actes.

J’ai découvert Bajirao Mastani, titre qui est, comme dans son adaptation de Roméo et Juliette, l’association des noms des deux personnages principaux, après avoir vu son très beau Padvamati. J’en conclus qu’il a su corriger plusieurs de ses erreurs en trois années, ce film étant réalisé en 2015. Le schéma narratif est très similaire à celui de Padvamati, sauf que le « méchant » interprété par l’excellent et très charismatique Ranveer Singh (l’un de mes acteurs indiens préférés) interprète ici le « héros » du film. Je mets tout ça entre guillemet, car force et de constater que les notions d’héroïsme et de dignité sont fortement mises à mal chez cet auteur.

Dans ce film, on ressent comme un manque de moyens, malgré un budget somme toute assez important, dans l’élaboration de ses ambitions, tant visuelles, c’est souvent impressionnant dans ce domaine, de la part du bonhomme, qui semble-t-il aspire à quelque chose qui serait de l’ordre de la fresque à la Cecil B. DeMille. Démesure, grandiloquence, lyrisme quasi outrancier, tous ces éléments associés pour donner l’impression d’une quintessence, qu’il ne parvient malheureusement pas à atteindre sur ce film. Probablement à cause d’étirements lié à son souci quasi obsessionnel d’imprimer son œuvre de cette aura dramaturgique qui semble l’obséder.

Visuellement le film est somptueux, les interprètes sont beaux dans leur gestuelle et leurs postures et déplacements gracieux(ses), les chorégraphies sont, une fois n’est pas coutume dans le cinéma indien, à la pointe, et il y a beaucoup d’excellentes idées de mise en scène qui viennent contrecarrer les quelques défauts inhérents à ces excès de grandiloquence.

Le script est vraisemblablement le point faible du film, même s’il ne semble pas être l’apanage premier de cet incontestable esthète, trop engoncé dans une sorte d’évidence récurrente du triangle amoureux virant au mélodrame, qu’il surexpose de façon permanente, tout en s’affranchissant de la morale associée la plupart du temps à ce genre d’œuvre. Il me semble qu’il y a comme une forme de misanthropie affichée chez cet auteur, qui en fait une sorte de Karan Johar inversé. Utilisé la flamboyance comme véhicule à des conclusions totalement en opposition avec le fameux happy end libérateur des œuvres de l’auteur de Kuch Kuch Hota Hai.

Malgré son penchant spectaculaire démesuré, il peine à donner du panache à ses scènes de bataille notamment, probablement par manque de moyens, on est souvent plus près de la sur-stylisation à la 300 que de la grande fresque guerrière à la Kurosawa ou Eisenstein. Malgré cet aspect, il parvient toujours à contrecarrer ses carences par des idées géniales, le sabre fouet qu’utilise le personnage principal, les décors de palais somptueux, les héroïnes déesses de beauté, le charisme de Ranveer Singh, les chorégraphies qui servent les propos et les pensées des protagonistes, je pense notamment à la danse guerrière du milieu du film… malgré tout ça, la mayonnaise peine à prendre et on reste sur sa faim. Du moins est-ce mon ressenti.

philippequevillart
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le 30 janv. 2023

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