Bandits à Orgosolo par Goguengris

Bandits à Orgoloso,

1er Film de Vittorio de Seta, primé en 1961 à Venise, récemment restauré par Carlotta. 

Ce pourrait être un thriller oppressant sur fond de rocailles et montagnes sardes, bruissant de chaleur, et de sécheresse. Une tragédie de pastori où la pauvreté se confronte à la veulerie de la police qui pourchasse sans preuve, et à armes inégales. Un sacrifice animalier sur fond de traque dans une nature nourricière autant qu’hostile, l’eau étant convoitée, autant que les bêtes.  Ou un règlement de compte, l’erreur judiciaire restant fatalement enchassée dans un système. C’est tout cela, c’est l’histoire d’un berger, Michele, injustement pris pour meurtrier, et son petit frère Peppeddu, que De Seta choisit de filmer, dans la montagne sarde. Michele est éleveur de brebis, il ne pourra délaisser son troupeau, l’extirpant avec avidité de l’emprise des carabiniers, devenant hors la Loi, ne laissant à son frère que l’alternative d’être dans son ombre, dans une errance hypnotique et mortifère.La Loi sera celle du puissant, l’inculpation peu fondée, sera aussi implacable qu’excluante, ne laissant au suspect, que le choix d’une mise au ban devant les siens qu’il ne pourra plus nourrir et conforter. Après cette fuite en avant, qui le laissera exsangue, seule l’option du défi au brigandage, et à la dépouille du bandit, cautionnera une destinée de paria, dont le seul crime aura été d’être né pauvre… 

Vittorio de Seta filme avec sa propre caméra, des hommes acteurs de leur destin, vivant cette terre sauvage dans son âpreté.Il scrute de très près, les regards, les gestes, accompagne les rituels, puis l’errance, avec peu de mots, et dialogues, déploie une grammaire rythmée par la poussière, le vent dans les arbres, l’envol des rapaces... Il épie en même temps que la rumeur montante des carabiniers, les lignes des montagnes, se détachant à l’infini, donnant à l’homme, l’impression d’une liberté à portée de main… tandis que le village de pierre sèche, blotti à flanc de coteau, où se pétrit le pain, constitue le dernier rempart de réconfort... Ce film largement nourri de la veine ethno documentaire de l’auteur, en prise directe avec son précédent court métrage (Bergers d’Orgoloso), est ainsi à salutairement (re)découvrir en salle.