Barbaque par Spectateur-Lambda

Depuis environs deux décennies la comédie française souffre de deux problèmes majeurs qui ont fini par nuire grandement à ce genre qui a pourtant dans le passé offert parmi les films les plus aboutis et à la fois populaires du cinéma français, le premier souci qui selon moi a plombé le genre, c'est l'arrivée comme réalisateurs de personnes issues de la scène comique, qui ont cru qu'il suffirait d'étirer sur un format long métrage, un de leur sketch qui par définition ne tient son humour et son efficacité que dans sa forme courte qui oblige à aller à l'essentiel et à rester circoncis, donnant des films d'un ennui presque insultant lorsqu'on décide de s'offrir une tranche de rigolade. Le second et peut-être le plus sournois des soucis qui grèvent la qualité de la comédie française, réside dans le traitement de sujets polémiques qui sont traités, disons le de façon euphémique, de façon a minima maladroite, confondant un humour noir subtil et intelligent avec une grosse farce embarrassante, Qu'est-ce qu'on a tous fait au Bon Dieu ? (2021) constituant un exemple parlant de mon propos. On pourrait aussi regretter la présence quasiment systématique aux génériques des mêmes noms ou cette tendance à vouloir s'inspirer avec maladresse et je dirais déférence absurde à la comédie américaine.

Evidemment ce que je dis là pourra être contre argumenté avec des exemples passionnants comme le cinéma de Gustave KERVERN et Benoît DELÉPINE ou celui de Quentin DUPIEUX, même si dans ce dernier cas, la comédie n'est pas tant le genre premier que l'étrange et l'absurde.

Lorsque j'ai eu écho de cette comédie signée Fabrice ÉBOUÉ, avec comme axe central de narration le véganisme, j'ai eu comme première réaction la crainte qu'on se dirigeait vers quelque chose qui tomberait de pleins pieds dans les travers évoqués en introduction. Néanmoins, si j'étais quelque peu circonspect quant à cette proposition, il y avait des éléments qui me laissaient espérer d'une bonne surprise.

Et la surprise a été au rendez-vous !

D'abord en termes de grammaire cinématographique, le film est une vraie réussite, il y a un travail sur les cadres, le montage, la photographie, le hors-champ, l'utilisation de la caméra qui font plaisir et offrent au spectateur quelque chose de plus travaillé qu'une simple captation de sketchs qui ne voudrait se reposer que sur sa chute. N'attendez rien de révolutionnaire, ni d'exceptionnel, mais l'artisanat est de bonne qualité, bien travaillé et en cela le film mérite déjà d'être salué.

Ce qui m'a également particulièrement plu dans cette proposition de Fabrice Eboué, c'est sa façon de traiter son sujet, comédie acide, noire, dont l'humour pourra être mis en parallèle avec celui de C'est arrivé près de chez vous (1992) dans sa façon de venir gratter là où ça fait mal et de provoquer ce rire qui devient cathartique.

Le film aurait pu facilement tomber dans la caricature entre l'opposition entre les végétariens et les consommateurs de viande, mais en mettant constamment dos à dos les deux idéologies, tant dans leurs limites propres que dans leurs excès, il réussit le tour de force de nous faire rire en dépit du positionnement que l'on peut avoir apriori sur ces sujets.

En disant cela, je me souviens que malgré quelques faiblesses, j'avais déjà été plutôt séduit par Case départ (2010) où j'avais aussi décelé une finesse salutaire dans sa façon de traiter un sujet pourtant propice à tomber dans la caricature gênante, et lorsque le générique de fin de Barbaque est apparu, j'ai été ravi d'avoir à de nombreuses reprises été pris de rires sincères et j'ai vu en Fabrice Eboué l'héritier d'un Jean YANNE dans cet art de l'humour à la fois fin, à la fois provocant et à la fois apte à surligner les limites d'idéologies ou d'idéaux forcément conscrit par la condition de l'homme.

Si comme moi, vous êtes de plus en plus rétif aux propositions du cinéma français dans le domaine de la comédie, donnez une chance à ce film qui saura et vous surprendre, vous faire rire et vous redonner foi dans les capacités de l'industrie à produire des films plus travaillés que le tout venant.