Résolument plus grand public et tourné vers la comédie que les deux premiers long-métrages de *Greta Gerwig*, *Barbie* tente de combiner film mainstream et idées féministes, mais n’y arrive qu’à moitié.
Dans un premier temps, le long-métrage de la réalisatrice américaine nous donne de quoi jubiler : des décors impressionnants – l’univers Barbie recréé de toutes pièces à taille humaine – rempli d’acteur·ice·s convaincant·e·s et d’un humour absurde souvent très efficace. En bref, un univers de plastique, étrange mais vraisemblable, auquel l’on donne vie avec succès.
Il est aussi réjouissant, d’un point de vue plus général, qu’un film autant mainstream, à la stratégie marketing si stratosphérique, soit orienté intégralement autour de questions féministes. Car le film questionne efficacement l’état des rapports femme-homme sur terre en se plaçant du point de vue de Barbie, qui les découvre lorsqu’elle visite notre monde pour la première fois. Il invite alors les nombreux·ses spectateur·ice·s – car il est certain que des millions de personnes iront le voir en salle – à s’étonner également de ces dynamiques, tout en essayant toujours de rester divertissant et drôle.
Mais cette tendance à vouloir toujours divertir est sans doute l’élément qui gêne le plus face à Barbie : courses poursuites, scènes de combat et autres séquences de comédie musicale, le film cherche absolument à faire du spectacle. Malheureusement, ces séquences détonnent avec le reste du film tant elles sont injustifiées et inutiles au sein du récit. Elles donnent en fait l’impression d’être des petits susucres que l’on distribue aux spectateur·ice·s pour ne pas les perdre et pour que les instants de discussion autour du genre leurs soient supportables. En plus d’être pauvre esthétiquement – ce n’est là clairement pas le domaine de prédilection de *Gerwig* – elles créent des ruptures qui finissent par empiéter sur la cohérence de l’œuvre et par nous faire sortir de son univers, pourtant bien pensé.
De manière plus générale, la pauvreté esthétique, la banalité formelle de ce long-métrage étonne et déçoit : *Gerwig* avait su développer un langage lui étant propre dans ses deux premières œuvres, forcer de constater qu’il est ici absent. Il est alors difficile d’accepter que, dans son film le plus explicitement féministe, la voix, l’identité de la réalisatrice disparaisse au profit d’un discours esthétique aseptisé. *Barbie* nous confirme que, même pour les meilleur·e·s réalisateur·ice·s de leur génération, faire un film mainstream traitant d’oppression sociétale sans se laisser aller à de gros paradoxes reste un défi encore difficilement surmontable.