Sur le papier, le film ne m'emballait clairement pas. Mais je faisais confiance à Greta Gerwig, qui avait signé l'excellent Lady Bird en 2018.
Le film démarre à Barbie Land, un royaume parfait dans lequel Barbie semble mener une vie idyllique. Jusqu'au jour où tout ne se passe plus bien, et que divers troubles la poussent à voyager vers le monde réel en compagnie de Ken.
Je redoutais beaucoup l'humour du film, que je pressentais comme ultra surjoué et caricatural. En gros, du bon gag bien gras à l'américaine. Et les 20-30 premières minutes, c'est plus ou moins exactement ça. Alors certes c'est extrêmement beau et créatif, les costumes et surtout l'artisanat des décors/maquettes est incroyable. Mais chaque gag tombe à l'eau, et on se dit qu'on va passer deux heures interminables dans une espèce de mauvaise pub américaine.
Et là le miracle, nos deux protagonistes arrivent dans le monde réel, et certes c'est toujours surjoué (comme le veut l'univers), mais on commence à critiquer le patriarcat à travers des vannes beaucoup plus fines et malines que précédemment. Ça se moque du rapport homme/femme dans notre société, jusqu'à des blagues et des punchlines archi osées (mais absolument incroyables).
Le film monte alors en crescendo, quasiment sans jamais s'essouffler, jusqu'à une chorégraphie finale MÉMORABLE (un bordel pas possible grosso modo).
La société Mattel, créatrice des poupées dans la vraie vie, est également moquée dans le film.belle est effectivement décrite comme une entreprise très majoritairement dirigée par des hommes, alors qu'elle tente de comprendre et représenter des jeunes filles. Ne soyons néanmoins pas naïfs, cette auto-critique n'est pas bien méchante, et le film reste très largement un outil promotionnel pour leur image. En gros on montre qu'on est super cool comme entreprise parce qu'on a de l'autodérision.
Quand on voit par ailleurs les centaines d'objets dérivés (poupées, vêtements, etc.) proposés sur les boutiques en ligne de Mattel, on comprend que l'autodérision dans le film n'est que de la poudre aux yeux à côté des réelles ambitions financières et capitalistes de la marque. Elle produit d'ailleurs elle-même le film, elle sait donc très bien ce qu'elle fait. Et ça marche, puisque les ventes explosent aux États-Unis.
C'est quand même sacrément cynique de camoufler ça derrière une critique des problèmes actuels de notre société. À se demander si les designs n'ont pas été réfléchis pour le merch plutôt que pour le film en lui-même...
Reste que le film propose un discours féministe pertinent et nécessaire. Margot Robbie est toujours géniale, et l'ensemble des acteurs joue à la perfection (sauf peut-être l'adolescente). Mais il faut vraiment mentionner la performance de Ryan Gosling, qui crève l'écran à littéralement chaque seconde de sa présence. La quasi-totalité de ses blagues font mouche, et c'est hallucinant quand on voit à quel point le rôle et les vannes sont casse-gueule. Pour moi c'est un Oscar potentiel (vraiment).
Très difficile donc de se faire un avis définitif et précis sur le film tant il joue sur une corde très fine, oscillant entre un univers très caricatural, et une volonté d'écriture maline et critique. Est-ce que je le recommanderais ? Clairement oui, mais on peut sans doute aussi facilement aimer que détester. Et puis un film autant féministe, écrit et réalisé par une femme, ça se soutient.
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