Intrigué par un film ayant pour titre la célèbre poupée blonde de chez Mattel, je me suis rendu dans les salles obscures, tenaillé par une curiosité mâtinée d'un soupçon d'inquiétude. A quel point le film serait consensuel ou acide ?
Le film débute dans une ambiance sirupeuse parfaitement réussie et fidèle au monde coloré, particulièrement rose, de la célèbre figurine plastique pour petites filles. Margot Robbie est fabuleuse dans ce rôle, elle peut vraiment jouer n'importe quoi, Once upon a time in Hollywood voire même l'excellent Babylon se situant aux antipodes de cette comédie acidulée. Ryan Gosling assure en modèle consumériste bodybuildé au QI d'une huître dont la seule attente dans la vie est d'attirer l'attention de Barbie.
La première partie pose l'univers, c'est presque trop long et un peu gênant par moments. Puis vient le grain de sable qui dérègle la machine parfaitement huilée et va conduire notre duo à la plastique parfaite à se confronter au monde réel, pour le pire... mais aussi pour l'émergence d'une conscience de soi. La ligne de crête entre ridicule et réussite est vraiment mince et le spectateur peut aisément basculer d'un côté ou de l'autre. Fort heureusement, des vannes plutôt osées pleuvent et Mattel en prend pour son grade. L'histoire de certaines poupées est évoquée et l'on comprend bien la logique capitaliste qui a présidé à la diversification de ses modèles depuis 1945. On apprend également que certains modèles, sans doute trop éloignés des canons de la marque et de l'air du temps, ont été retirées. Cet aspect du film est plutôt réussi, si l'on excepte le fait que l'entreprise, par cette auto critique bien pensée (bien pensante ?), va remplir dans les largeurs ses tiroirs caisses. Un paradoxe qui n'en est pas un, la firme ayant sans nul doute tout prévu, et surtout les nouveaux produits dérivés.
La partie qui se veut la plus flamboyante, à savoir la mise en exergue du féminisme, est à mon sens plus mitigée. Si, dans le monde de Barbie, les femmes sont au pouvoir et les hommes des potiches, c'est bien le contraire dans le vrai monde, en dépit de quelques avancées (il y a une vanne excellente à ce sujet). Le conseil d'administration de Mattel, totalement caricatural, est là pour le démontrer grossièrement pour les esprits obtus qui n'auraient pas compris le propos. Le duo qui aurait pu donner un peu de profondeur à cette partie, à savoir la mère et sa fille, partait d'une bonne intention : l'ado rebelle qui critique le consumérisme représenté par la poupée aux multiples visages et sa mère qui craque pour Barbie par nostalgie. C'était bien vu. Sauf que ces rôles s'effondrent trop rapidement, chacune reprenant bien vite la place qui leur est dévolue, à savoir de mièvres féministes qui s'attachent aux apparences de pseudo avancées. La subtilité n'est pas le point fort du film de ce point de vue.
Au final, je ressort mitigé de cette séance, oscillant entre plaisir de vannes bien senties et de références (à commencer par 2001 l'Odyssée de l'espace) jubilatoires, et déception d'un potentiel gâché. Les mères pourront se servir de ce film comme d'un outil pratique pour aborder avec leurs enfants la question du féminisme, avec le recul nécessaire. C'est plutôt chouette. Par contre, la critique du consumérisme par devant pour nous mettre profond l'ultra libéralisme par derrière, ça manque vraiment de lubrifiant (d'huile de palme en plus). Et ce rouleau compresseur capitaliste qui nous mène en ce moment même à l'effondrement des sociétés humaines a malheureusement encore de beaux jours devant lui.
Un p'tit tour chez le gynéco ?