Barbie
5.9
Barbie

Film de Greta Gerwig (2023)

Putain, c'est ça qui a sauvé le cinéma !? Et je lis que des cinéastes sont fiers et remercient Greta ? C'est une blague ? C'est comme si les diététiciennes remerciaient Macdo d'avoir sauvé les gens gens de la malnutrition. Non mais c'est pas possible ! Barbie est un film publicitaire pour les poupées, c'est même encore plus insignifiant qu'un film Marvel. Justement, je suis tombé sur un épisode du fossoyeur où il distingue cinéma et film ; je suis pas du tout fan du fossoyeur mais clairement, selon sa façon de voir les choses, Barbie est un film mais certainement pas du Cinéma.


Et c'est encore plus triste quand on lit que les deux auteurs sont Gerwig et son ex Baumbauch, deux auteurs qui ont des choses à dire ! Alors comment ont-ils pu pondre un tel scénario ? Et surtout, comment peuvent-ils dire que personne ne les a bridés ? Soit ils mentent soit ils se sont autocensurés en amont, et l'on se demande si ce ne serait pas le gros chèque qui aurait motivé la paire, plus que l'envie de réaliser un film engagé sur Barbie.


Le film est vendu comme un film féministe. Et c'est vrai qu'on nous parle de patriarcat. Mais est-il vraiment féministe ? À la fin, dans le monde réel, le patriarcat continue de dominer tandis que dans BarbieLand le matriarcat reste en place, refusant même que des hommes votent. C'est de bonne guerre, mais est-ce vraiment du féminisme ? Pas tellement, juste du matriarcat. En cela le film est un peu intéressant car il suppose que les femmes feraient la même chose que les hommes au pouvoir. Mais c'est trop peu développé.


Le film est plus un récit initiatique, et le féminisme est un prétexte pour le personnage principal évoluer. Sauf que là aussi, c'est un peu exagéré : Barbie (stéréotype) est trop peu creusée, aussi bien en tant que stéréotype qu'en tant que femme. On nous balance la femme "j'ai rendez-vous chez le gynéco" pour faire comprendre les intentions, mais le personnage n'est jamais assez construit et développé pour que l'on sente ce changement. En fait, on se demande même quelles sont les qualités de Barbie ; personne n'apporte de réponse, on nous dit qu'elle est intelligente mais on ne voit que rarement son cerveau en marche, d'ailleurs c'est surtout à l'humaine que l'on doit le happy end final.


Les personnages secondaires aussi sont très peu écrits. En témoigne cette ado censée être méchante mais qui ne l'est pas tant que ça et qui se rabibochera très vite avec sa mère et même avec Barbie alors qu'elle est censée être une ado rebelle casse-burnes. Ken est sans doute le personnage le plus intéressant, car il prend des décisions aussi stupides soient-elles, mais les auteurs peinent à l'exploiter correctement.


L'on peut parler de wokisme dans ce film, mais avec une certaine hypocrisie. En effet, on remarque assez vite que chaque fois qu'il y a une bande réunie (les Barbies, les Kens, les bureaucrates), on trouve un peu de tout en terme de minorité ethnique. Clairement, la prod vise la diversité. Pour lancer un message positif ou pour les oscars? Parce que bon, leur ouverture est malgré tout limitée : on trouve une handicapée, la Barbie-sorcière là, celle qui a subi mille et une tortures, mais franchement, elle pas si handicapée que ça : les cheveux sont beaux, ses acrobaties sont volontaires et son barbouillage au visage consiste en quelques traits bien agencés autour de l'oeil. Il y a Barbie grosse ou plutôt barbie avocate. Pourquoi ? En soi je n'ai rien contre, en plus je trouve l'actrice super mignonne. Mais à un moment il faut rester fidèle au projet, y a pas de Barbie ronde, ou en tous cas pas aussi ronde et si elle a existé, elle doit clairement rester au second plan au même titre que Barbie enceinte (bonne idée ça, dommage de ne pas l'avoir mieux exploitée). Enfin, puisque l'équipe est prête à toutes les entorses pour être woke, pourquoi n'y a-t-il pas d'homo ? Parce que c'est un jouet pour enfant et qu'on ne veut pas les influencer ou pire encore parce que a prod ne voudrait pas risquer de perdre la Chine en terme de Box Office ? Je penche pour la seconde solution... mais franchement les deux raisons puent du bec et du cul. Et donc pas de Barbie lesbienne ni de Ken gay. Par contre un chinois rivalise avec Ken Gosling et deviennent potes à la fin.


Non vraiment, le film sert plus à expliquer que Barbie évolue, répond aux besoins de la société qu'à véritablement proposer un message fort. En fait, Mattel cherche simplement à convaincre la jeune génération que leur jouet est toujours cool, qu'il peut faire rêver, qu'il s'adapte à l'ère du temps. C'est ça le vrai message du film. Pousser à la consommation.


Et si au moins le scénario était bon. J'ai déjà soulevé quelques points problématiques en terme d'écriture des personnages mais ça ne s'arrête pas là. Le déroulement n'a tout simplement aucun sens. Si je prends le concept de Barbie qui a des pensées morbides juste parce que quelqu'un ayant ces pensées a joué avec la Barbie dans le monde réel, c'est complétement con, je veux dire, Barbie semble être la seule et unique représentation symbolique du jouet qui lui est distribué à des milliers de petites filles. Alors pourquoi une seule personne la perturbe autant ? Pourquoi ce ressenti prime sur les autres. On nous dit brièvement que ce n'est pas la première fois que ça arrive mais ça manque de détail.


D'ailleurs en parlant de voix explicative, la voix off est bien naze, souvent elle ne sert à rien si ce n'est prendre les spectateurs pour des cons ou simplifier la narration. Par exemple, était-il nécessaire d'expliquer que Barbie ne descend pas les escaliers parce que les petites filles n'y pensent pas ? C'est le genre de chose que j'aurais voulu comprendre par la mise en scène ou quelques dialogues bien écrits, pas par une voix off qui explique lourdement quand nécessaire et puis disparait.


Elle disparaît comme certains personnages aussi ; le patron de Mattel à un moment il disparaît trop longtemps, on se demande où il est ? Faut dire que les personnages vont et viennent comme les auteurs le décident. Il n'y a pas de logique. Même quand Barbie se balade dans le monde réel et que les gens se moquent d'elle, c'est pas crédible : on sait bien que les ricains aiment l'excentricité et que ça ne choque pas grand monde. Surtout que l'accoutrement de Barbie n'est pas ce qu'il y a de plus dingue comme garde-robe, c'est très rose, mais il y a nettement pire.


Il y a des scènes qui dépendent uniquement d'un gag, comme lorsque Barbie fuit le patron de Mattel et ses sbires et que ça tourne au Benny Hill Show. Sauf que rien ne nous prépare à cela et que la séquence est embarrassante tant ça n'a pas de sens d'inclure ça, surtout dans le monde réel.


Les conflits semblent venir de n'importe où : Ken parvient à convaincre les autres Ken de prendre le pouvoir mais on ne sait trop pour quelle raison, les femmes sont hypnotisées, même au niveau symbolique je ne comprends pas ce choix narratif, les femmes soumises par le patriarcat ne sont pas forcément hypnotisées ; mais le plus fou c'est que la résolution consiste à servir un discours féministe, et ainsi les femmes se réveillent, un discours assez peu intéressant. Pire pour renverser le pouvoir des Ken, elles décident de les diviser en jouant de leur rivalité (et là on apprend que chaque Ken a sa Barbie, du coup on ne comprend pas pourquoi au début, plusieurs Ken se disputent l'attention de Barbie mais soit), ce qui a pour conséquence de... diviser les Ken... en deux groupes... qui vont s'affronter dans un combat épique.


Il y a de bonnes idées délirantes dans tout cela. Mais encore faut-il savoir les agencer et les développer pour que ce soit convaincant. Ici ça n'a pas de sens que les Ken se battent. Et ça dure des plombes en plus. En gros l'équipe gagne du temps sans devoir raconter quoi que ce soit. Un peu comme les passages en mode comédie musicale, qui ne raconte rien, absolument rien, qui sont juste chiant en terme de narration et dont je ne vois absolument pas le rapport avec l'univers de Barbie. Je me souviens bien d'une pub Barbie où elle fait du karaoké avec des accessoires, mais ce n'est pas à ça que les séquences musicales font référence.


Et puis il y a tous ces petits détails qu'on aurait voulu voir plus exploités. Comme Barbie qui fait la dînette au lieu de manger, on le voit un peu, sans plus. Les auteurs auraient pu aller plus loin et surtout exploiter ces mêmes scènes une fois dans la réalité. Maintenant elle peut manger... mais vu ce que l'on consomme, j'imagine facilement Barbie accro au sucre, Barbie qui se chie dessus parce qu'elle n'a jamais chié de sa vie... Ou si elle n'a rien pour évacuer, comment faire (mais ça j'y crois pas puisqu'à la fin elle va chez le gynéco, ça veut donc bien dire qu'en arrivant dans la réalité, elle a attrapé un vagin entre les cuisses) ? Il y avait plein de choses à faire, forcément c'était moins lisse, moins vendeur, mais tellement plus intéressant aussi. Et puis surtout ça aurait renforcé le message du film concernant le fait que Barbie prend conscience d'elle-même, de son corps, de son être, du fait qu'elle est... une femme !


La mise en scène n'est pas géniale non plus. Il y a tout de même deux applaudissements à faire : l'équipe chargées de construire les décors : BarbieLand est superbe ; Margot Robbie pour sa performance, je n'y croyais pas trop et en fait, elle s'impose très naturellement dans ce rôle et apporte beaucoup au film (sans elle, son personnage aurait été encore plus vide). Par contre, même si Ryan Gosling apporte beaucoup au film, il ne convainc pas en Ken, c'est plus une parodie grotesque. Le pire, c'est qu'il a pris un coup de vieux et j'imagine mal le jeune public fantasmer sur lui dans ce film, il a même un visage effrayant par moment, avec sa tête allongée, ses grosses joues, ses yeux bizarres, ses abdos moches. Les autres acteurs ne sont pas mauvais, mais c'est du mode automatique. Will Ferrell m'a quand même fait rire un peu.


Le découpage est assez plat. Gerwig ne parvient pas à insuffler la folie nécessaire que ce soit dans BarbieLand ou dans la réalité, c'est platement filmé. Mais c'est surtout dans BarbieLand que ça fait mal, parce que les décors et la narration exigent un peu plus de folies visuelles. Le montage est parfois un peu mou. La BO est tellement plate.


Tout cela me rappelle le tube de Aqua, "Barbie girl" ; bon sang, que ce clip musical est tellement plus fun et parlant que ce film ! Dans ce long-métrage, au final, ce qu'il faut retenir, c'est l'intro, même si elle est un peu plombée par la voix off. Mais au moins, on a une idée intéressante, de la symbolique bien utilisée.


Bref, c'est une catastrophe. En dehors de ce contexte de crise, je ne pense pas qu'on aurait autant parlé de ce film tant il déçoit à tous les niveaux. Le pire, c'est que les prix reçux aux golden globes ne concernent même pas les qualités du film à savoir Margot Robbie et les décors. On verra pour les oscars, car je suppose que Greta y gagnera quelque chose d'office, même si le mieux serait de supprimer le film des sélections...

Fatpooper
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le 22 janv. 2024

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