Je vais essayer d'être concis tant les raisons qui m'ont poussées à mettre un 4 sont nombreuses.

Alors oui, nous pouvons quelque part reconnaître, sans faire de mauvaise fois que c'est un film qui à la mérite de faire, ce que je qualifirais sans mépris de "féminisme pour les nuls". Il fait un point sur le patriarcat et les différentes injonctions, inégalités dont les femmes sont les premières "victimes" (je souhaite apporter une nuance sur ce mot, d'où l'importance des guillemets. Ça me permet ainsi de mettre une distance dans l'association des termes femme et victime pour pouvoir les distinguer et les isoler) dans nos sociétés capitalistes et Occidentales. On pourrait d'ailleurs, regretter, ce qui est mon cas, de ne pas aller jusqu'à l'évocation des transidentités qui, il me semble, apporte des réflexions intéressantes sur les notions de genre, performance du genre, stéréotypes et ce que peut être une femme en élargissant son spectre. Bref.

Visiblement je vais déjà trop vite, trop loin pour le film ainsi que dans ma critique.

Revenons à nos barbies.

Une fois dit ça, que nous reste-t'il ?

Pour moi, pas grand chose. Tellement peu que j'ai du mal à lier le terme féministe avec ce film.

En effet, ce que l'on nous donne à voir c'est une parodie grotesque, qui dessine avec un marqueur très épais et imprécis les contours des rapports hommes/femmes : domination, injonctions, privilèges... Tout est traité de façon grossière et caricaturale.


Qu'est-ce que le film produit concrètement ?

Malheureusement il échoue à ce qu'il essaye de dénoncer. En effet, le ton humoristique, parfois très appuyé par des blagues redondantes et, à la longue, plutôt lourdes, vient court-circuiter le propos du film. Propos qui, de base, manque de profondeur, si je peux me permettre d'ajouter ceci. Ce ton en vient à rendre le tout superficiel. En effet, le fait de prendre tout "à la légère" dans ce monde coloré, fantaisiste, enfantin où toutes les situations se nouent et se dénouent très rapidement et artificiellement par le biais d'une bonne blague. Ce décalage avec la réalité, notre réalité, aurais-pu être un bon axe pour mettre en scène et révéler les dysfonctionnements et injustices, voir violences que porte le patriarcat. Sauf que le film fait le yoyo entre le premier et le second degré, sans jamais investir pleinement l'une ou l'autre de ces deux positionnement ni en les mettant en conflit, ce qui permettrait un dialogue et donc une vraie réflexion. De plus, un fort accent est mis sur Ken tout au long du film et notamment sur sa découverte du patriarcat.

Ce qui va permettre de défaire cette situation, c'est bien Barbie qui à la fin du film, écoute Ken et ses problèmes et parvient à lui faire ouvrir les yeux et sortir de sa torpeur. Échec cuisant.

Féminisme : 0, retour au début/patriarcat : 1.

Et oui, le film échoue lamentablement avec cette scène. Effectivement, nous avons dans ce passage, une représentation parfaite d'un schéma patriarcal, alors que le film a essayé avec ses grosses bottes pleine de boue de nous apprendre et nous faire comprendre tout l'inverse.

Je m'explique et m'attarde sur cet exemple, parce qu'il est symptomatique de tout le film.

Ken en proie à une crise de virilité la plus totale, parce que le système patriarcal qu’il a mis en place à BarbieLand a échoué, se lamente sur son pauvre sort, en bon gros égocentrique qu'il est et que le film alimente pendant toute sa durée, au point que son personnage et son arc narratif va finir par prendre le dessus sur l'héroïne (mince encore raté, ici aussi !). Sur ce fait, Barbie, quand à elle, va être dans le "care" (soin) - position la plus parfaitement patriarcale de la femme qui est à l'écoute, prend soin, tente de rassurer les hommes en crise testiculaires - face à ce Ken qui n'arrive pas à regarder plus loin que la proéminence de ces pectoraux.... affligeant ! Avant cette scène déjà on voit Barbie qui doute, qui se remet en question, voir qui culpabilise parce qu'elle va duper Ken afin de revenir au Barbie Land d'avant, un monde où le matriarcat est reine. Pour lui, c'est du tout cuit, il n'aura jamais besoin de faire le moindre effort pour que la situation se désamorce et trouve une issue, une résolution, pas d'inquiétudes ni de remords, encore moins de regrets ou de culpabilité face aux torts qu'il a produit. Saoulant...

Là où il aurait été de bon ton, voir bienvenu (que dis-je ?), une opportunité en or de sortir ces schémas stéréotypés et donc, a fortiori avoir un "vrai" (en tout cas plus concret) propos féministe.

Bon ben c'est un exemple parmi tant d'autre des ratés de ce film. Dommage.

Je passe les placements de produits ou l'auto-pub constante que se fait Mattel pendant tout le film. Merci, non merci. Cinématographiquement, c'est pas gégé non plus.

Bref, est-ce un bon film ? non.

Est-ce un bon divertissement ? Oui.

Est-ce que c'est dommage de faire du féminisme et des combats politiques que ça engendre un film publicitaire, divertissant, "rigolo", acidulé, qui se conclue par une représentation magistrale d'un schéma patriarcal entre un homme et une femme ? Je vous laisse répondre à ma place.

Ps : Excusez-moi pour le nombre d'occurrences du mot "patria...", j'ai pas pu faire autrement.

gwendalraymond
3
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le 4 févr. 2024

Critique lue 22 fois

gwendalraymond

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