C'est dans les vieux chaudrons qu'on fait les meilleures soupes, et alors que Massacre à la tronçonneuse venait outre-atlantique de moderniser radicalement l'art du démembrement, nous devons à Mario Bava un film qui fait la démonstration définitive de toutes les vertus esthétiques de l'horreur à la papa. Le Baron vampire enquille une grande partie des poncifs de l'horreur gothique (châteaux hantés, salle des tortures et jeune femme hurlante poursuivie dans les brumes), mais le sens pictural du réalisateur, qui compose de splendide tableaux à base de couleurs violemment contrastées et du grouillement de détails moyenâgeux, emporte l'adhésion. Quoique le scénario ne soit pas en soi catastrophique - à condition de supporter la dose de détails inexpliqués de mise dans ce genre de productions -, et que le récit soit même assez plaisant à suivre, on peut donc regarder le film en se délectant avant tout d'une suite de belles compositions ténébreuses, où Bava s'amuse avec le brouillard, les ornements architecturaux du château, l'éclairage... pour créer des visions très riches, et inspirer le sentiment d'étrangeté que le scénario très classique n'aurait pas seul suffi à créer.
Il ne s'agit pas dans le genre de la plus belle réalisation du cinéaste, qui avait réussi dans l'horreur gothique des compositions plus convaincantes, comme le Corps et le fouet et le Masque du démon. On croit voir même dans le film une curieuse tendance à l'auto-citation, et certains plans font furieusement penser à Six femmes pour l'assassin, tourné quasiment dix ans plus tôt. Signe peut-être de l'épuisement d'une inspiration, ou du caractère déjà archaïque du film en 72... Il reste que regardée en 2017, cette production un peu surannée garde une certaine prestance. Les amateurs de giallo seront également en terrain connu, car si le maître Bava avait quasiment créé le genre en greffant au polar des inspirations gothiques (dans Six femmes pour l'assassin), c'est ici l'inverse, et notre baron mort-vivant poursuit les demoiselles dans la brume comme le premier assassin transalpin ganté de cuir noir venu.
Le casting est sérieux, et Joseph Cotten, qui doit avoir quelque part le pressentiment que sa carrière finira par des guignolades autrement piteuses - le fade Continent des hommes-poissons par exemple -, s'amuse visiblement à cabotiner dans le genre tortionnaire, sans trop regretter le temps où il tournait avec Orson Welles...
Un bon moment donc.