Avant de clôturer l’année suivante avec Lisa et le Diable sa série consacrée au cinéma gothique, Mario Bava tente avec Baron vampire un pari audacieux. Plutôt que de situer son intrigue dans les siècles passés comme c’est l’usage dans le genre, il fait le choix d’un récit contemporain qui, de prime abord, déstabilise. Un baron sanguinaire ramené à la vie dans son vieux château au début des années 1970 ? Voilà l’annonce d’un anachronisme qui ne peut pas fonctionner. Toute la première partie du film va d’ailleurs dans ce sens. Les incantations sonnent terriblement faux et les premières réactions des personnages ne cadrent pas vraiment. À l’heure de l’avion qui ouvre le film, des ultra mini jupes que porte Elke Sommer et des grosses Mercedes, on imagine mal comment une sombre malédiction séculaire peut faire sens.
Mais Mario Bava finit par relever son pari. En faisant de son château un espace hors du temps où la fiction et la fantaisie peuvent trouver leur place, il parvient à retrouver l’atmosphère typique des films gothiques. À grands renforts de références (son baron ressemble à des figures de la Hammer et des grands classiques de la littérature tel Le Fantôme de l’opéra), il instaure progressivement un climat qui éloigne le film de son aspect contemporain pour le rejeter des siècles auparavant. Ainsi, plus le film avance, plus le temps recule, et plus le sujet du récit s’impose. L’intrigue s’achève, d’ailleurs, dans les temps les plus reculés, avec une séquence dans une chambre de tortures ramenée à la vie. Mais pour en arriver là, il aura quand même fallu avaler pas mal de sottises et, surtout, pas mal d’éléments à la limite du grotesque. Du médecin qui accueille et soigne notre bon baron revenant comme s’il avait une simple blessure au parchemin qui (pas de bol !) brûle ou encore à l’amulette salvatrice, les facilités et maladresses sont nombreuses.
On est donc loin de la réussite des Trois Visages de la peur ou de Opération peur, mais Mario Bava a ce mérite de tenter quelque chose sortant de l’ordinaire. Force est de reconnaître qu’il n’est jamais aussi bon que lorsqu’il retrouve l’atmosphère onirique de ces deux précédents titres (notamment lorsque le baron poursuit Elke Sommer dans la nuit brumeuse) mais que cet ensemble bancal, pas toujours très bien joué, est une curiosité inégale qui a ses bons moments.