Si de nos jours l’usage est courant d’exprimer l’éloge du génie cinématographique de Stanley Kubrick, par le passé son œuvre a maintes fois été critiquée pour sa froideur et le pessimisme de sa vision de l’humanité. Loin de se démarquer de cette filmographie si homogène, Barry Lyndon démontre que ce propos n’est pas si facilement adéquat au lieu commun.
Réalisée à la suite de son odyssée philosophique et de son drame d’anticipation psychédélique, l’histoire de « Barry », située dans l’Angleterre du XVIIIe siècle, ne serait pas sans rappeler les études de mœurs balzaciennes des grands romans classiques. Kubrick, à son accoutumée, fait preuve d’un stakhanovisme et d’un sens du détail psychotique dans la mise en place de sa réalisation. Si le réalisme pictural est servi par la reproduction méthodique de tout ce que sont décors et autres costumes, Kubrick est loin de se contenter d’un simple film aux dimensions historiques. Ce qui en définit son style, comme très peu de réalisateurs peuvent en tenir la comparaison, c’est cette expression d’un langage cinématographique pur, une maîtrise formelle de l’appareil filmique, qu’un Tarkovski serait l’un des seuls à pouvoir détrôner.
Ainsi si le travail de la photographie révèle une pure beauté plastique, le travail sur la narration définit clairement l’un des aspects les plus maîtrisés de ce film. Le choix des compositions classiques, sublimées par leurs juxtapositions exceptionnelles avec le découpage des scènes associées, définissant l’aspect d’époque et d’intemporalité de cette dramaturgie permettant ainsi à Kubrick une économie de dialogue superflue. La psychologie des personnages se retrouve aussi bien traitée par le visuel que par le travail sonore, sans oublier la présence au récit d’un narrateur omniscient comme symbolique d’une destiné fataliste.
Barry Lyndon est sans aucun doute l’une des pièces maîtresses de la filmographie de son auteur, un drame mythologique et intemporel au service d’une des plus grandes thématiques de la filmographie de Kubrick : celle du conditionnement humain; ici celui du jeune Barry, qui par son arrivisme et son désir de grandeur n’est rien d’autre que l’esclave d’une destinée défini par le conditionnement social de son époque.