Dans l'Amérique des années 70, Barry Seal est un pilote de ligne pour la TWA, qui se livre à des petits trafics de contrebande histoire d'arrondir ses fins de mois. Repéré par la CIA, il est gentiment prié de poursuivre ces activités « au service de son pays », et entame à bord de son petit bimoteur une nouvelle carrière de livreur d'armes dans la poudrière du Nicaragua, pour aider la résistance locale (les Contras) à repousser la menace communiste. Repéré par des « hommes d'affaires » sud-américains - dont un certain Pablo Escobar - il coiffe ensuite une deuxième casquette, celle de livreur de drogue aux États-Unis. En quelques années, Seal devient riche à millions, croulant littéralement sous les billets verts. Mais, dans la petite bourgade sans histoire de Mena, Arkansas, une telle opulence ne manque pas d'attiser la curiosité de la police locale, de la DEA, du FBI, et même de la Maison Blanche...
Un peu dans le même esprit que la trilogie littéraire Underworld USA de James Ellroy ou le film Blow de Ted Demme avec Johnny Depp, Doug Liman signe une « histoire américaine » comme Hollywood les aime, celle du contrebandier qui permit au cartel de Medellin de contrôler 80 % du marché U.S. de la cocaïne dans les années 80. Portant la sacro-sainte mention « basé sur des faits réels », Barry Seal : American Traffic dresse le portrait d'un truand peu jusque là peu connu, mais dont l'impact négatif sur la vie de ses concitoyens fut énorme, un peu comme Martin Scorsese l'avait fait avec Le Loup de Wall Street. Ici, le contrebandier est présenté sous un jour clairement bienveillant : c'est un bon époux, un bon père de famille, « qui fait beaucoup pour la communauté ». On arrive presque à nous convaincre que Seal, manipulé par la CIA puis d'autres agences gouvernementales, est la victime de toute cette histoire. Sous ses faux airs de comédie, le film témoigne pourtant du besoin d'Hollywood d'exorciser certains démons récents de son histoire, du rôle de ses présidents à celui de sa plus célèbre agence de renseignement...
Pour son dixième long-métrage, Doug Liman retrouve Tom Cruise qu'il avait déjà dirigé dans Edge of Tomorrow il y a quelques années. L'acteur, comme très souvent, occupe constamment l'écran ; mais loin de ses repères désormais habituels des films d'action musclés, il retrouve, comme un clin d'œil, ces années 80 qui l'avaient vu décoller, et la tenue de pilote qui allait avec... Bien secondé par Domnhall Gleeson, sobre et efficace en ordure de la CIA, et par la très jolie Sarah Wright, le fringant quinquagénaire parvient sans difficulté à rendre son personnage sympathique, presque attachant. Malgré l'immoralité de la trajectoire de ce « gringo qui livre toujours à l'heure », Barry Seal se révèle un très agréable divertissement, et parfois même instructif.