Avec les frères Coen on sait qu’on doit s’attendre à tout et une fois de plus, avec Barton Fink, ils font des leurs ! Ils savent surprendre, dérouter, étonner, déstabiliser.
Barton est un jeune écrivain qui vient de rencontrer un certain succès à Broadway pour une pièce de théâtre qu’il a écrite. C’est un jeune homme plein de convictions, d’idées enflammées et aussi de colère rentrée. Il veut écrire des textes en prise avec le réel et non des histoires abstraites. Il se veut proche des gens communs, du petit peuple. Il rêve non pas du succès des critiques qui ont fait son éloge, mais d’un « vrai succès » celui de :
La création d’un théâtre nouveau, vivant, de, sur et pour l’homme de la rue. Si je filais à Hollywood, je ferais du fric, je rencontrerais les nababs, oui, mais je me couperais de la source de mon succès, l’homme de la rue.
Pourtant son ami réussit à le décider à se rendre un temps à Hollywood.
Il s’installe dans un hôtel miteux pour écrire le scénario qui lui est commandé et dont le sujet est un catcheur. Enfermé dans sa petite chambre au papier peint qui se décolle, isolé de tous, il cherche l’inspiration qui ne vient pas, bien sûr… Lui qui se veut proche de la réalité des gens, s’en coupe complètement en s’isolant. Mais voilà que ce monde sur lequel il veut écrire le rejoint en la personne de Charlie, son voisin de chambre qui s’y connaît justement un peu en catch.
Autant Barton est coincé et mal à l’aise, autant Charlie est jovial, direct, simple. Pourtant si Charlie s’intéresse à Barton, ce dernier reste isolé dans sa tête, dans ses théories sur l’écriture, le théâtre, le rapport à la réalité, cette réalité qu’il ne voit pas quand elle est devant lui. Alors que Charlie lui dit à plusieurs reprises : « des histoires, j’en ai à te raconter », jamais il ne lui demande de le faire. Charlie lui dira justement à la fin : « Tu n’écoutes pas ! » Il veut écrire sur les gens communs mais se faisant il se placent au dessus d’eux et se prend très au sérieux …
Finalement la réalité va le rattraper de plein fouet, de cette expérience brutale sortira comme un jet le scénario qu’il n’arrivait pas à écrire. Et c’est là la pointe de l’histoire, le rapport à la réalité. La réalité est dans la vie et non dans les histoires. La beauté est dans la vie, non dans le cinéma : c’est la leçon dernière de Barton Fink qui nous est donnée par une créature de rêve, sur une plage ! Image qui renvoie au cadre de sa chambre d’hôtel. Après la traversée des flammes de l’enfer, on respire tout à coup !
Barton Fink est un film qui comporte de nombreux niveaux de lecture, qu’on peut interpréter de diverses manières, qui ne cherche pas à être limpide. Il y a à découvrir de nouveaux sens à chaque visionnage… Il faudrait parler encore des décors et de leur symbolique, des personnages secondaires qui sont essentiels, du rapport à Hollywood, sur ce qui pourrait être réel ou fictif dans cette histoire. Pour un film sur un auteur non inspiré, c’est quand même pas mal !