Les Coen, ces artistes...
Exceptionnel. Tout simplement. En voyant ce film, on comprend finalement pourquoi Polanski, en tant que président du jury à Cannes, a décidé de lui attribuer autant de prix.
Esthétiquement splendide, angoissant et étouffant, ce film est la tragique histoire d'un homme, torturé, écrasé, intrinsèquement bon, et malheureusement pour lui terriblement idéaliste. Qui croit en la force de l'art. Qui se donne corps et âme à la nécessaire souffrance que l'écrivain se doit d'endurer. Mais qui donne tout simplement l'impression de ne pas être à sa place. Magiciens de la caméra, les Coen, en filmant l'immense couloir sombre de cet hôtel miteux, en plaçant Barton Fink (superbe, SUPERBE Turturro) au beau milieu de pièces immenses habitées par une lumière quasi-surnaturelle, filment avec une extrême subtilité la descente aux enfers de cet homme perdu.
J'ai vu sur ce site une critique qui faisait un parallèle étonnant entre ce film et Mulholland Drive. Et finalement, pourquoi pas ? Pour moi, tout comme Lynch, les Coen marquent dans le film un moment-clé qui fait basculer le personnage dans un autre état, une autre dimension, finissant par sombrer malgré lui dans un monde où se côtoient plusieurs allégories de la cruauté d'Hollywood et ses propres fantasmes, comme semble le confirmer cette dernière scène aussi surprenante qu'étincelante.
Avec ce film déroutant, les Coen mêlent une nouvelle fois les genres, et le ton grinçant employé pendant tout le début du film et qui leur est propre finit par déboucher sur une intensité dramatique et surréelle très étonnante. Car finalement, qu'est devenu Barton Fink ? Cette confusion, sans pour autant donner une impression de "n'importe quoi", offre au spectateur plusieurs niveaux de lecture du film, et offre surtout un des plus beaux et plus profonds portraits d'artiste qui soient, mettant en scène toutes ces peurs et ces douleurs qui sont finalement bien plus universelles qu'on ne pourrait le croire...