Barton Fink, c'est l'angoisse de la page blanche transposée sur grand écran et avec brio par les frères Coen. On suit le parcours d'un auteur de pièce de théâtre qui vient de cartonner à New York et se voit offrir la chance d'une vie : vivre grassement de l'écriture de scénarios pas biens finauds et ceci dans le lieu mythique du cinéma américain, à savoir Hollywood ! Mais Barton n'est pas un simple faiseur/écrivaillon : il veut mettre toute son âme et son éthique dans le travail qu'il réalise. Si les formules (pas vraiment magiques) existent pour écrire un scénario moyen à toute vitesse, l'inspiration qui amène à l'oeuvre personnelle et marquante est une chose qui ne se commande pas.
Et puis, il faut dire que l'écrivain n'a pas choisi la facilité : entre un producteur complètement barré, un réalisateur qui n'a aucune espèce de sympathie pour lui, un vieil écrivain qui pourrait être de bon conseil s'il n'était pas en train de se saoûler continuellement et un voisin sympathique bien qu'un peu spécial, les tentations et moyens de se détourner du travail ne manquent pas ! L'hôtel, un parfait mélange entre ce qui pourrait être un lieu de vie très chic et ce qui se fait de plus glauque (il faut comprendre "un beau lieu totalement tombé en décrépitude"), est alors la scène de toutes les folies et de tous les rêves ... Mais la machine à écrire du new-yorkais ne frétille pas pour autant !
J'ai adoré cette opposition entre les secrétaires qui écrivent à toute vitesse et ce pauvre Barton Fink qui enchaîne péniblement mot par mot un scénario qui part d'une idée de base tellement médiocre que l'affaire semble déjà entendue. Barton Fink, il me semble, ce sont ces écrivains/réalisateurs (artistes en somme) qui sont en panne d'inspiration mais ne veulent pas céder aux sirènes de la facilité.
L'image que l'on donne du tout puissant Hollywood est particulièrement cynique : la secrétaire qui a une part énorme dans l'écriture des livres que le vieil écrivain alcoolique devrait faire seul ou presque, le réalisateur qui empile les films comme on empile les dossiers dans un travail administratif, le producteur qui est bien plus obsédé par l'image que donne le recrutement du dernier écrivain à la mode que par le travail que ce dernier peut produire ...
Dans tous les cas, les perdants sont les artistes et ceux qui les aiment, c'est à dire lui, toi et moi : nous, finalement ! Et c'est pour ça qu'on prie pour que tous les Barton Fink du monde puissent lutter et vaincre cette page d'un blanc immaculé !