Figurant parmi cette frange d’œuvres Disney bien moins notoires, Basil, détective privé mériterait pourtant de rayonner davantage : doté de solide atouts, à commencer par son unicité atmosphérique au sein des Classiques, sa revisite du duel légendaire opposant Sherlock Holmes à Moriarty, ici « miniaturisés » sous les traits d’opiniâtres rongeurs, est un régal de tous les instants... et un rendez-vous qu’il me tardait d’honorer.
Car en le plaçant volontiers dans le haut de mon panier Disney, je trépignais à l’idée de retrouver le trio Basil/Dawson/Olivia et leur enquête, nichée au sein d’un Londres nocturne immersif et suspendue au complot ourdi par l’infâme Ratigan. Finalement, il s’avère que le présent film échoue d’une courte tête à faire aussi bien que Peter Pan en son temps : une légère déception donc, mais qu’il convient de nuancer derechef tant le plaisir des retrouvailles fût indéniable.
En premier lieu, la balance entre noirceur et légèreté de ton est des plus exquises : car si Basil propose des traits d’humour bien sentis, de sombres séquence-clés se veulent sacrément saisissantes, à l’image de cette introduction « cauchemardesque » résultant en la capture de Mr Flaversham. Un contraste s’impose dans la foulée au rythme de la composition de Henry Mancini, auteur d’une musique proprement enthousiasmante (l’une des meilleures entendues lors de ma rétrospective) : le film renseigne ainsi d’emblée les codes de son ambiance duale, propice au mystère, l’immersion et le spectacle... le tout saupoudré de savants frissons.
Le kidnapping d’Olivia n’est en ce sens pas en reste, la cadre du magasin de jouets se voyant détourné d’une bien « belle » manière, chose indiquant cette capacité qu’à Basil à esquisser des tableaux très inventifs. Difficile enfin de ne pas mentionner le cas Big Ben, dont les entrailles monumentales nous réserveront une superbe combinaison d’animation traditionnelle et numérique, d’autant que le lieu marquera l’apogée du personnage de Ratigan. Composante élémentaire de son succès, ce dernier est à bien des titres l’un des meilleurs antagonistes Disney, fort d’une alchimie parfaite entre maniérisme, charisme et machiavélisme... à ceci près que cette « bonne tenue » de façade n’exacerbe que trop bien sa nature véritable.
Son rejet véhément de sa condition de rat d’abord, puis sa sauvagerie bestiale parachèvent un portrait inoubliable, jusqu’à ce fameux affrontement final bouleversant une dernière fois une atmosphère mouvante. Son pendant « héroïque » n’est pour sa part pas en reste, Basil se détachant des archétypes en vigueur en faisant, lui aussi, preuve de menus défauts : le film marque ainsi les esprits en usant brillamment d’un manichéisme réfléchi, chose côtoyant avec brio le comique de sidekicks hilarants (Fidget, bien sûr) et la tendre mignonnerie permise par Olivia.
Malgré tout, nous pourrons regretter les grosses ficelles d’une enquête accommodante tant elle paraît balisée, tandis que les moyens déployés par Ratigan sont pour le moins capillotractés : rien de rédhibitoire au demeurant, d’autant que son rythme ne désemplissant pas et l’assemblage des points forts suscités font que l’on prend son pied de bout en bout, Basil, détective privé échappant de surcroît au piège de la redite et du film pour enfant niais. Il s’agit donc d’une petite pépite unique en son genre, relativement méconnue mais qui laisse donc supposer qu’une myriade de chanceux auront tout le loisir d’en découvrir les atours.