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Bâtiment 5
5.9
Bâtiment 5

Film de Ladj Ly (2023)

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Bâtiment 5 est le deuxième long-métrage de Ladj Ly, réalisateur qui avait fait parler de lui avec Les Misérables, film traitant également des banlieues. On l’a vu apparaitre en tant que co-scénariste sur le lamentable Athéna, de Romain Gavras, il aurait mieux fait de s’abstenir. Les banlieues sont donc son sujet de prédilection, lui même en étant issu. Il a également réalisé sur elles des documentaires, par lesquels il est entré dans le cinéma.

Bâtiment 5 zoome cette fois, non sur une bavure policière, mais sur la question du mal logement dans les cités. Le film est axé sur une jeune femme d’origine malienne qui travaille aux archives de la mairie de Montvilliers. Celle-ci va se lancer à la course aux urnes après qu’un maire intérimaire ai été désigné et que celui-ci a entrepris, dans un nouveau plan d’urbanisme, la destruction du bâtiment 5 dans laquelle la jeune femme a grandi. Ce bâtiment 5, qui donne son nom au film, est le centre névralgique, la fourmilière de vie du film, et cet aspect est plutôt réussi.

Le film s’ouvre avec une scène de veillée mortuaire dans le HLM qui permet de donner vie au bâtiment, et c’est cette aspect du film que je trouve efficace. Ce fameux bâtiment 5 incarne un lieu de rencontre, avec son restaurant clandestin, sa casse automobile improvisée à ses pieds, c’est avant tout un lieu de vie. Ladj Ly réussit à donner vie au lieu, au moyen de nombreuses scènes, plus ou moins subtiles, entre ses murs. Je pense notamment au début du film, où on nous montre bien la difficulté de descendre les escaliers avec un cercueil, car l’ascenseur est évidemment en panne C’est plutôt bien illustré, il est donc dommage de nous accabler avec une remarque lourde sur la panne de l’ascenseur. C’est comme ça que l’on fait un film bête, en accablant le spectateur, en disant les choses que l’on montre, c’est soit l’un soit l’autre. Malgré cela, cette  scène est interessante en ce qu’elle fait appel à l’escalier…

L’objet escalier mérite qu’on s’attarde dessus. Je trouve que c’est un merveilleux objet de cinéma. C’en est un dans lequel il se passe beaucoup de choses : la mort, dans Psychose; un affrontement dans Les Misérables; on peut y illustrer un ascendant psychologique, comme dans Les Autres de Alejandro Amenabàr, les rapport de taille s’inversent lorsque le réalisateur positionne une fillette qui en sait plus que sa mère au dessus d’elle, par le biais de l’escalier. Ainsi filmée, la fillette est en positon de dominante par rapport à sa mère; …

Un autre aspect bêtement matériel de l’escalier, c’est sa capacité à nous faire monter et descendre, et l’on connait le lot de locutions qui emploient ces termes : monter au ciel, monter en pression; descente aux enfers…

La longue descente du cercueil en intro du film à une résonance particulière. L’escalier est un lieu en général étroit, la caméra filme majoritairement en plongée, pour appuyer la lente descente; ceci amène de la tension à la scène et illustre le quotidien laborieux des locataires des étages de l’immeuble, sans avoir à faire appel à la parole.

On y observera également la séquence de fuite, lors de l’incendie, ou celle de l’évacuation de l’immeuble le soir du réveillon (où la descente aux enfers est assez bien illustrée), multipliant les séquences à la limite de la claustrophobie, dans ce lieu symbolique du HLM dont il est la partie commune.

Et cet aspect commun, de communauté, est très important dans le film. Celui-ci, éminemment politique, insiste sur la fraternité et la solidarité autant que sur les clivages qui séparent les différents acteurs de la commune. Clivage d’abord socio-économique, le film nous dépeint deux bords irréconciliables, représentés par les deux candidats à la mairie.

Deux personnages transgressent ce clivage et semblent appartenir à ses deux pôles : la femme du maire et son adjoint.

Son adjoint est le stéréotype du traitre, de celui qui a retourné sa veste, en trahissant d’abord ceux qui ont sa couleur de peau.

La femme du maire tient le rôle de la gentille bourgeoise. Celle-ci n’est pas ménagée par le réalisateur. Pourtant un personnage pacifiste et ouvert, sa condition de bourgeoise fait d'elle quelqu’un d’assez déconnectée de la réalité, notamment dans une scène ou elle échange avec une jeune femme arrivant tout juste de Syrie. Celle-ci lui raconte les atrocités de la guerre en français et son interlocutrice se borne à rectifier ses petites erreurs de syntaxe (la forme), en faisant complètement fi de l’horreur de ce que la jeune femme raconte (le fond), oubliant ainsi de faire preuve d'un minimum d'empathie. Cette abstraction de la réalité dont elle fait preuve, réalité qui est pourtant celle des personnes résidant la même commune qu'elle, rend d’autant plus violent le choc du grand final illustre deux bords irréconciliable et qui ne se comprennent pas.

La scène la plus emblématique du film reste celle de l’évacuation de l’immeuble, avec de très jolie tableau des gens jetant tout ce qu’ils peuvent sauver par les fenêtres. C’est assez esthétique et surtout très symbolique. Mis à part cet élément, cette scène est à l’image du film, manichéenne. Les idées sont assez simplistes et le lexique cinématographique est assez pauvre. Quelques jolies idées justifient quelque peu l’existence du film, je pense à la scène citée plus haut, mais aussi à la scène ou en plan zénithal, on découpe l’écharpe de l’ancien maire, image très symbolique de l’échec démocratique dans les banlieues.

Mis à part ces quelques images fortes, qui restent en tête, on a un film aux idées très arrêtées, manichéen comme je l’ai dit, qui est plastiquement assez fade, bien que Ladj Ly sache filmer les banlieues, ou retranscrire sa vision des banlieues.

Il manque une idée de cinéma forte (comme celle du drone dans Les misérables) pour que le film trouve une vrai justification. Il coche des cases assez attendues, comme le grand craquage de fin par exemple, et ne propose pas grand chose dans la manière de traiter l’intrigue ou les personnages, qui ne sont d’ailleurs pas grand chose d’autre que leurs fonctions. La gentille est gentille, le méchant est méchant et le flic est un flic. Là où le bâtiment et ses habitants forment, en surface, un ensemble vivant et complexe, le récit perd toute profondeur dans ses personnages creux et son intrigue attendue. 

En découle un film assez pauvre, aux quelques coups d’éclats qui ne suffiront pas à maintenir en place un ensemble instable et un récit fade, à l’image du fameux bâtiment.

labousedeMirabal
5

Créée

le 29 déc. 2023

Critique lue 14 fois

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