Face au nouvel engouement des fans de comics pour le Caped Crusader suite au succès d'oeuvres comme Killing Joke ou The Dark Knight Returns, la Warner décide à la fin des années 80 de relancer de nouvelles aventures cinématographiques, leur franchise Superman ayant de plus sombré dans le ridicule suite au rachat par la Cannon. Ce sera le jeune Tim Burton, remarqué grâce à Pee Wee Big Adventure et Beetlejuice qui aura la lourde tâche d'orchestrer ce retour tant attendu.
Il est amusant de constater, plus de vingt-cinq ans après sa sortie, à quel point ce premier Batman est encore sujet à une sorte de mal-entendu. Considéré comme une adaptation sérieuse et sombre, le film de Tim Burton est pourtant loin de répondre réellement à cette description. Certes, les intentions initiales allaient dans ce sens, et l'ensemble reste célèbre pour son ambiance délicieusement gothique, directement héritée de l'art déco et de l'expressionnisme allemand, et en particulier du Metropolis de Fritz Lang.
Mais derrière ses habits noirs et son héros torturé, effectivement loin des délires pop de la série télévisée des 60's ou des futures bouffonneries de Joel Schumacher, ce premier volet s'apparente davantage à un cirque ambulant, à un gigantesque carnaval cartoonesque mené par le cabotinage jouissif d'un Jack Nicholson en roue libre. Malgré le ton d'une poignée de séquences (la mort des époux Wayne en premier lieu), on ne peut ressentir pleinement un véritable danger, tant l'humour noir omniprésent ne cesse de nous rappeler que tout ça n'est finalement qu'une vaste blague.
Un équilibre constamment branlant, coincé le cul entre les différentes visions de ses têtes pensantes, entre l'envie d'offrir aux fans un regard sérieux sur leur héros et de satisfaire aux exigences d'un énorme blockbuster grand public qui donnera d'ailleurs naissance à un marchandising de folie. Fruit des hésitations d'un cinéaste encore timide et de nombreuses réécritures, le scénario fait ce qu'il peut, jongle avec les différents tons et les personnages multiples, mais ne convainc finalement qu'à moitié. Témoin ce rapprochement maladroit entre les démons de notre héros et le bad guy bariolé, qui aurait du rester à l'état de transfert et non de cause.
Bien que bancal à plus d'un titre, à l'image d'un casting allant d'un Michael Keaton encore peu à l'aise dans son costume et complètement paumé en Bruce Wayne lunaire à une Kim Basinger fadasse, en passant heureusement par d'excellents seconds rôles comme Michael Gough ou Pat Hingle, Batman version Burton en a cependant sous le capot. Bénéficiant de superbes décors et de la magnifique partition de Danny Elfman (on évitera d'évoquer les chansons de Prince), le film est au final une première aventure fun et décomplexée, à prendre davantage comme un dessin animé gothique sous acide que comme une relecture sérieuse et réaliste du Dark Knight.
Casse-gueule, imparfait, un peu timide et trop long, mais aussi drôle, délirant, amusant et visuellement très propre, Batman aura eu au moins le mérite de relancer momentanément la mode des super-héros, de proposer une approche un minimum respectueuse même s'il faudra encore attendre trois ans pour voir débarquer une oeuvre mémorable, d'une flamboyante beauté funèbre.