33 ans après l'approche colorée de Leslie H. Martinson et portée par Adam West et Brian Ward, Tim Burton a la lourde tâche d'introduire le personnage iconique qu'est Batman aux années 80/90.


Si le perso, ses histoires et son univers ont toujours profité de leurs nombreuses décennies d'existence pour évoluer, tout revient inévitablement à ce que Bob Kane et Bill Finger avaient initialement créé en 1939.


Quand le projet fut annoncé, c'était quand même un évènement, près de 10 ans après une autre adaptation d'un perso de comics de l'écurie DC, aka Superman, qui avait été couverte de réussite, mais accompagnée de suites de moins en moins bien reçues et fructueuses. Puis quand l'acteur devant incarner le justicier masqué, Michael Keaton, fut annoncé, ça avait provoqué un véritable taulé, allant jusqu'à des lecteurs mécontents envoyant des courriers d'insatisfaction voire de menaces à l'égard de la Warner pour son choix visiblement très contesté. Faut dire que Keaton venait tout juste de cartonner dans Beetlejuice, un rôle aux antipodes du vigilante.


Fort heureusement le trailer changera vite la donne et le film achèvera définitivement d'enterrer les craintes. Burton venait de frapper un grand coup. Et quand j'avais moi-même découvert le film gamin, j'avais effectivement adoré.


Contrairement à Returns ou la saga de Nolan, j'ai rarement pris l'occasion de le revoir, la dernière fois remontant probablement à avant 2010. Alors, un peu plus de 10 ans plus tard pour moi et 30 ans depuis sa sortie, que donne ce film ?


Finalement pas de craintes à avoir, puisque j'ai passé un très bon moment.


Burton nous sert un film équilibré à sa façon, mêlant avec une efficacité confondante gothique et absurde, enfantillages et maturité, sans jamais nous perdre ou nous dégoûter du résultat.


Rétrospectivement, on peut regretter qu'il ne soit pas allé au bout dans l'un ou l'autre, mais ce film a plus de 30 ans, on ne lui en voudra certainement pas pour ça, pas sur un des blockbusters les plus attendus de son époque. Il fallait qu'il puisse parler à tout le monde, tout en portant une marque visible de respect envers le matériaux de base.


Et là aussi, force est de constater que l'équilibre est encore le maitre mot. Équilibre entre une once d'hommage au sériel ainsi que le film de 66 avec un ton lorgnant parfois vers eux, un contenu qui pourra autant divertir qu'effrayer les enfants pendant que les adultes se délecteront d'une intrigue aux faux airs de polar noir se déroulant dans un univers gothique plein de charme, et des coups de pioches discrets dans le vaste lore de Batman, sans nous l'écraser sur le front pour autant, ni l'écraser sous son talon pour le plaisir du déconstructivisme cynique.


Tim Burton n'a pas cherché à reprendre une histoire spécifique telle quelle, il s'est entièrement approprié le comics, ses qualités, ses travers, ses possibilités et ses limites, et nous a livré un film diablement efficace, portant autant la patte des comics que de son réalisateur.


Sous sa direction, une galerie de persos semi-loufoques, semi-graves, portés par un Michael Keaton à la fois sérieux et sympathique, une Kim Basinger qui campe une Vicky Vale qui n'est pas cruche et est attachante, et naturellement un Jack Nicholson en roue libre qui fait plaisir à voir.


Je reviens là-dessus, mais il y a vraiment un mélange enfantin-mature surprenamment réussi.
Cet étrange équilibre est parfaitement cristallisé dans le perso du Joker. C'est un psychopate, usant de méthodes à la limite du glauque si c'était transposé dans un film à la sauce Seven, entre son "travail" sur sa compagne ou les effets physiques de son poison, immuable face à Batman mais décontenancé dès lors que Vicky joue la carte du syndrome de Stockholm doublée d'un peu de creepy attitude, et en même temps le film va lui accorder près de 20 min au cours duquel il va perpétrer l'attentat le plus gentillet du monde, endormant le public et saccageant des oeuvres d'art à coups de pots de peintures sur un beat de Prince en fond sonore. So 80's.


C'était donc un revisionnage très satisfaisant. Batman version 1989 est une capsule idéale de son époque et de la façon dont la pop culture était utilisée. Un film certes tout public mais bourré de personnalité, chose qui fait hélas trop défaut aux blockbusters actuels, troquant trop facilement cet aspect contre un peu plus de contrôle. Ça n'empêche pas certains de ces films d'être bons voire excellents, mais sans une patte par définition indélébile peu importe la façon dont elle vieillit (en bien ou mal), ils manquent d'une âme.

Chernobill
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le 1 sept. 2021

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