Batman Begins par Shok Nar
Lorsqu’en 2005, Christopher Nolan s’attaque au mythe Batman, il a fort à faire. Premièrement, puisqu’il reprend à zéro l’histoire du justicier de Gotham City, il sait qu’il sera comparé au meilleur du genre, à savoir les deux films de Tim Burton (Batman et Batman le défi), considérés comme des références. Mais il a également la lourde tâche de succéder et de parvenir à faire oublier les deux prestations moisies de Joel Schumacher (Batman 3 et Batman & Robin) et que les fans de la chauve-souris l’attendant au tournant. Pari réussi, haut la main, avec ce Batman Begins, qui s’inspire plus que jamais des comics (surtout ceux d’Alan Moore et de Frank Miller), premier d’une trilogie entièrement réalisée par Nolan, formant un tout cohérent et flamboyant.
Le jeune Bruce Wayne, après le meurtre de ses milliardaires de parents, reste un enfant meurtris et emprunt de vengeance. Cherchant un but à sa vie, il quitte Gotham City en quête de la Ligue des Assassins avant de punir ceux qui ont ôté la vie aux siens. Devenant l’élève du terrifiant Ras’al-Gul, Bruce se détourne finalement de son maître pour devenir un justicier nocturne, prêt à nettoyer Gotham, devenu le repaire des pires monstres, des pires criminels. Pour cela, il sera aidé par son fidèle majordome : Alfred, tout en luttant pour retrouver un amour de jeunesse.
Batman begins, pris seul, est un excellent film de super-héros. Moins gothique et moins grandiloquent que ceux de Burton, bien plus sombre et puissant que ceux de Schumacher, le film se cherche tout d’abord une identité pendant sa première heure, avant de se trouver dans sa seconde. Dans un scénario où domine la quête initiatique, Batman begins présente lentement son univers, ses personnages, et prend son temps. Plutôt que nous jeter bille en tête dans les aventures de Batman à Gotham, Nolan choisit la lente genèse du héros, ce que personne encore n’avait traité jusque là. Explorant les rapports père fils à travers son héros (Bruce Wayne/Thomas Wayne ; Bruce Wayne/Alfred Pennyworth ; Bruce Wayne/Ras’Al Gul), la famille est clairement l’enjeu de ce film, et là place que chacun y occupe. Bruce se cherche et c’est en Batman qu’il va, un temps, se trouver.
La deuxième moitié du film est plus décevante, devenant un simple d’action bien mené, mais sans grande originalité. Alors qu’il ne se passe pratiquement rien pendant une heure, Nolan semble combler ce vide en enchaînant les séquences vite, trop vite sans doute et on se surprend à vouloir que cela se termine. Dommage, mais le choix du découpage narratif en deux parties ne permettait pas de faire autrement. S’il avait réduit les scènes d’action, un certain public aurait probablement trouvé à râler et Nolan était coincé. Fidèlement épaulé au scénario par son frère Jonathan et David Gohier (comme sur l’ensemble de la trilogie), le film se veut narratif et percutant, mais se perd parfois dans quelques méandres abscons. L’histoire d’amour est par exemple totalement ratée (faute à une interprétation particulièrement foireuse, pénible et agaçante de Katie Holmes) et, comme dans quasiment tous les films de super héros : trop de méchants tue le méchant.
C’est une manie dans ce genre de film de nous offrir plusieurs bad-guys à la fois et auquel les Batman (depuis Batman : le défi) n’échappent pas. On ne saurait se contenter d’un méchant. Je n’arrive pas à comprendre ce principe de surenchère, comme si un seul antagoniste ne suffisait pas au héros (heureusement Batman : The Dark Knight contournera un peu le problème en nous offrant un méchant qui en crée un autre). Or donc ici, nous en avons deux : Ras’al Gul (Liam Neeson) et l’Epouvantail (Cillian Murphy). L’interprétation de Neeson est classique, celle de Murphy atypique mais en parfaite adéquation avec le personnage. Mais la rigueur mortifère du premier et la folie permanente du second rendent leur alliance plus qu’improbable et la mayonnaise ne prend pas. Leur temps à l’écran inégal et aucun des deux ne parvient vraiment à sortir du lot, en dépit de leur qualité de comédien. Sans compter les autres méchants : le flic pourri, le parrain de la pègre, etc.
Les autres comédiens sont par contre fantastiques : Christian Bale dans le rôle de Bruce Wayne, Michael Caine dans celui d’Alfred, Gary Oldman dans celui du Commissaire Gordon entre autres. Ils reviendront tous dans les deux suites de Nolan : The Dark Knight et The Knight Rises que je chroniquerai également un jour. La musique est efficace, peut-être un peu trop présente.
Qu’ajouter d’autre ? Au montage paisible du début s’oppose celui nerveux de la fin et je qualifierai ce dernier de moins maîtrisé. Les effets spéciaux sont bien faits et les cascades impressionnantes. Au total, un retour en force pour Batman au cinéma, qui fait largement oublier les deux précédents et éclipse même ceux de Burton (qui, avec le poids des ans, ont pris un coup de vieux, surtout le premier), pour nous offrir du grand spectacle, puissant et romanesque à souhait.
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