Si Tim Burton avait réussi avec Batman: Le Défi à rattraper les erreurs de son premier film sur le célèbre vigilante masqué, la séquelle n'avait pas forcément marché au box-office, le ton sombre et le côté sexuel poussif accordé au film n'ayant pas plu à tout le monde et en particulier aux bonnes familles désireuses de tout simplement voir sur les écrans un héros en costume affrontant des méchants de bande dessinée. Burton est donc remplacé par Joel Schumacher, réalisateur talentueux et touche-à-tout (L'Expérience interdite, Chute libre...) qui envoie malheureusement tout valdinguer en proposant un film beaucoup plus familial, proche du dessin animé live.
Délaissant donc tous les acquis et l'univers gothique de Burton tout en conservant certains acteurs (Pat Hingle et Michael Gough rempilent), Schumacher dévoile une mise en scène épileptique et colorée qui en fait un très bon divertissement mais dont le traitement s'avère au-delà du simple aspect "blockbuster pour gosses" comme trop navrant pour que le film soit une bonne et solide adaptation de Batman. Autant le film se veut plus décomplexé et moins sérieux, faisant vivre à son héros une aventure plus sobre et plus dynamique, autant les incohérences grosses comme des maisons viennent ternir le film... Exemple premier : Batman qui saute d'un building pour atterrir dans sa Batmobile.
Pour le reste, le montage frénétique n'arrange rien à l'affaire et l'apparition de ce Robin prétentieux gâche la légende du wonder boy. Quant à l'histoire, elle est certes fidèle au comics mais hélas mal exploitée (et les excellentes scènes coupées auraient pu étayer ce côté psychologique de Wayne, notamment sur sa culpabilité au sujet de la mort de ses parents). Mais avec Schumacher aux commandes, l'action et le n'importe nawak priment avant tout, en témoigne ce pitch improbable baignant totalement dans le fantastique cartoonesque où L'Homme-Mystère décide dans un accès de folie de s'approprier toute la matière grise des habitants de Gotham City grâce à une gigantesque machine. C'est exagéré, c'est le but premier.
Niveau casting, Jim Carrey s'en sort plutôt bien en bad guy aussi déluré que pathétique, volant la vedette à un Val Kilmer charmant mais dépassé par son rôle de justicier qui ne consiste qu'à courir avec une cape. Nicole Kidman, elle, parait effacée et inexploitée et Tommy Lee Jones cabotine du début à la fin, transformé en clown aux mimiques exaspérantes. Ajoutez à cela des dialogues navrants (« Je courais pour distancer la douleur ») et quelques grands moments de castagnes et vous obtenez un film d'action aussi décérébré que trépidant, Batman Forever étant une déception maquillée en un très agréable blockbuster.