Ah la la… Ce qu’il y a de fascinant avec les histoires qui durent, c’est qu’il y a toujours un prétexte légitime de dépoussiérage. Batman en 1995, c’est déjà près de 60 ans d’existence en comics, autant vous dire que le justicier masqué a eu droit à toutes les itérations possibles, des plus absurdes au plus sombres. Et souvent les plus grands changements interviennent pour répondre aux plus grandes réactions (ou aux plus grosses alertes dues à un manque de réactions).


Au cinéma, c’est pareil. Quand le sérial et son film de 66 ont présenté cette nouvelle facette mainstream de Batman, c’était une interprétation bien à eux. Puis quand Burton récupéra la lourde tâche de ressusciter le héros à la fin des 80’s, rebelote, à sa sauve.


Alors, quand la Warner décide de ne pas rappeler Burton pour un 3ème opus, le message est clair : « on ne va pas refaire un Batman Returns ».


Et « pas un Batman Returns » ils firent, puisque ce 4ème film de la chauve-souris est aux antipodes de son prédécesseur, et ce sur 95% des points.


Peu de choses sont sincèrement à sauver dans ce film, je vais donc me concentrer sur l’unique point que j’apprécie véritablement : l’esthétique de Gotham, plus gothique et bordélique (et fluo) que jamais. La ville a évolué au point d’être une chimère, illustrant probablement sans le vouloir sa chute toujours plus féroce dans l'anarchie et le chaos, et d’une façon quasi meta, une chimère de celle des films de Burton.
Un autre point, plus surprenant que satisfaisant, c'est le plan de Nygma, qui est littéralement ce que sont les réseaux sociaux, les databases voire internet de manière générale. Pour un film autant à la ramasse, c’est cocasse de se dire que le plan est carrément d’actualité.


Mais il y a aussi… Tout le reste. Batman Returns faisait peur ? Pas de problème, on va être infantilisant et débile. Batman apparaissait quasiment pas ? Pas de problème, on va le montrer dès les premières secondes du film. Les dialogues sont trop sombres ? Pas de problème, on va pondre tout un tas d’archétypes et des dialogues ridicules.


En 20min chrono en main, le film et la Warner nous tendent un doigt intergalactique à aux deux films précédents. Le ton est donné, et qu’il est effroyable. Joel Schumacher s’est excusé depuis, mais il n’empêche, on se demande bien ce qu’il avait tenté de faire, ce qu'il cherchait à obtenir.


Batman Forever est le package idéal du mauvais Batman, du mauvais film, de la mauvaise suite, et d’un mauvais blockbuster.


Second victime de l’ingérence de la Warner après Burton et son équipe : Michael Keaton, qui ne rempile pas et laisse donc sa place à Val Kilmer le mal-aimé. Si par moments je peux voir un simili-Bruce Wayne, la partition est quand même très médiocre.


Mais c’était sans compter sur le reste du casting. Entre les extras qui font n’importe quoi (comme l’agent de la banque au début ou la journaliste lors du gala organisé par Nygma), les deux antagonistes qui font un concours de celui qui cabotinera le plus, une love interest jouée par Nicole Kidman qui ne parle que pour laisser ses hormones s’exprimer et un sidekick insupportable et insupportablement joué par Chris O’Donnell, j’ai une peine sans ménage pour feu Michael Gough, dont la prestation en Alfred, solide, dénote puissamment, mêlée à cet ensemble au mieux cringe, au pire risible.
Mais je n’y peux rien, malgré le cabotinage jusqu’à l’arrêt cardiaque de Carrey, ses apparitions sont toujours un plaisir et une petite échappatoire. Son perso est également un poil moins raté que celui de Double Face qui est une source à facepalms sans pareils. Tommy Lee Jones livre probablement ici la pire performance de sa carrière, en tous cas il a vraiment le droit d'en avoir honte… car dieu que c’était honteux.


Comme l’un ne va pas sans l’autre, ce casting d’or est serti de dialogues d’argent. Mais avant d’aborder ce point, attardons-nous sur un parallèle qu’il est tentant de soulever : l’hommage vraisemblablement appuyé au serial et au film de 66.


C’est juste loupé. Rien dans ce film n’a le fumet délicieusement kitch de Batman 66, et ça n’est pas une question d’époque, loin s’en faut, mais bien de traitement.
Croyant être aussi absurde que son modèle, Forever n’est hélas qu’un amalgame indigeste et bruyant de couleurs pétantes. On sentira quelques tentatives un peu plus forcées sur la toute fin du film avec des répliques de Robin qui sonneront comme des répliques rejetées du film de 66, mais c’est d’un pauvre, d’un pauvre ! Forever c'est le produit d'un alien qui a vu le film de Martinson et qui croit avoir compris l'essence du film.


Dans ce sinueux dérapage, les dialogues souffrent donc de cette même malédiction. Je n’ai pas d’autres mots : c’est incroyablement offensant tant c’est con. J’avais oublié à quel point on pouvait tenter le 360° oculaire à force de lever les yeux, pleins d’exaspération. Pas la peine de sortir des exemples, ils en noient le film.


Coté histoire, c’est simple, c’est zéro pointé. Souffrant de surcroit d’un rythme et d’un montage médiocres, elle peine à se faire ne serait-ce qu’accepter malgré son énorme simplicité. C’est d’autant plus dommage avec le plan de Nygma, étonnamment contemporain.


On pourrait en parler pendant encore vingt paragraphe de cet incroyable loupé. Déjà enfant j’avais du mal avec ce film, le trouvant déjà très bruyant, ne sauvant déjà que l’architecture bordélique, Michael Gough et le sur-cabotinage de Jim Carrey.


Avec le temps, tout ce ressenti est juste accentué. Ça n’est pas un nanar, mais un mauvais film fréquemment très embarrassant. Mais las, bien que défouraillé par la critique et une bonne partie du public, le film cartonnera. Les parents fragiles, les sponsors et la Warner sont contents du film. Batman était devenu pathétique, mission accomplie. La croix est en place, ne manque plus que les clous : une autre suite dans la même veine.

Chernobill
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le 6 sept. 2021

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