Il y a deux choses qui reviennent souvent au sujet de ce film :



  • "Il ne faut pas le revoir plusieurs années après au risque d'être très déçu".

  • "Se considérer fan de Kitano et citer ce film parmi les meilleurs de sa carrière d'acteur, est une injure."


La première fois que j'ai vu Battle Royale, j'étais dans mes années primaires. Il fallait que je me cache de mes parents pour voir ce type de films, et forcément comme un bon nombre d'entre nous, la dureté de l'histoire mélangée à l'humour noir japonais aura été quelque chose de marquant.


Forcément, en grandissant Battle Royale n'est plus ce film aussi génial qu'il a été à nos yeux. Mais cela n'enlève rien à l'inventivité dont il a fait preuve à l'époque, l'originalité de son concept parait plus anecdotique aujourd'hui étant donné que cette formule de "Battle Royale" se décuple dans le cinéma (Hunger Games) ou dans les jeux vidéo (Fortnite, Call of Duty).


En revoyant le film hier, je me suis rendu compte que j'appréciai Battle Royale différemment, mon approche était différente. Je ne m'attendais plus à être aussi effrayé qu'avant, de toutes façons Battle Royale n'a jamais été un film horrifique, je ne dis pas ça. Mais j'ai davantage été frappé par le côté satirique de l'histoire et tous ces éléments propres aux séries B, des choses que je ne voyais pas du même œil quand j'étais jeune.


Le rythme du film n'est pas fou et les scènes d'action ne sont finalement pas si spectaculaires que ça. On est encore loin de la barbarie d'un Quentin Tarantino (ex: Kill Bill) et le scénario n'est pas aussi complexe qu'un récit de Naoki Urasawa (ex: 20th Century Boys).


Il faut prendre Battle Royale pour ce qu'il est. En quelques sortes, Battle Royale a amorcé toute cette vague de sensationnalisme qu'on retrouve à la télévision. A l'heure des télé-réalités où les gens se délectent de voir des bagarres et autres engueulades, intéressées uniquement par l'audimat à l'instar des chaînes publicitaires qu'on retrouve autant au Japon qu'en Europe, des chaînes qui préfèrent le spectacle à l'information.


利己的! Tuer par amour pour que mon cœur continue de t'aimer...


Battle Royale, avant d'être un film qui nous prend aux tripes, est une dénonciation cynique d'une société de plus en plus totalitaire. Cette île qui est sans limites, mais qui n'est pas sans lois puisque les participants doivent respecter des directives dictées par un Kitano vulnérable d'esprit.


L'île est aussi, et surtout, une représentation en miniature de l'archipel nippon et de son atmosphère concurrentielle qui force les japonais à se marcher dessus, quitte à trahir les siens ; le culte de l'individualisme où les plus faibles n'ont aucune place. Malgré des défauts de narration, même si le film n'est plus aussi épatant qu'avant, il résiste au temps grâce à des thématiques fortes. Battle Royale, en plus de critiquer la concurrence contagieuse qui sévit dans le monde comme au japon, fait état du suicide. Un sujet tabou mais très présent au japon, car quand le succès n'est pas au rendez-vous, quand on ne pense pas plaire de par son physique ou ses performances, le seul recours à tout ça s'avère être le suicide.


生きて死ぬ! Vivre et laisser mourir...


Il y aurait beaucoup à dire au sujet de Battle Royale, mais s'il y a bien une chose qui m'a marqué ce sont toutes ces paroles que les personnages du film disent au moment de mourir. Par exemple, l'une d'elles : "Avant de mourir, je suis heureux d'avoir eu des amis", nous seuls les spectateurs pouvont prendre connaissance de ces dernières paroles et être dans l'intimité posthume du défunt, les autres personnages du film n'entendent pas ces paroles. Cela laisse penser que certains personnages n'auront pas réussi à faire communiquer leurs sentiments et s'en vont avec. C'est une particularité du film qui est très belle je trouve.


En plus d'être le signe d'une ultra-violence et, accessoirement, un phénomène de société, Battle Royale est un film fait par des adultes pour des adolescents, afin de les préparer psychologiquement à ce monde impitoyable où la soumission n'est pas un échappatoire mais un arrêt de mort. Je le range dans la même catégorie que des films comme Starship Troopers, des films capables de critiquer la société sur le fond, tout en prenant beaucoup de libertés artistiques sur la forme.


Alors oui, le jeu des acteurs n'est pas très convaincant, les dialogues sont assez plats. Oui, il y eu beaucoup mieux depuis, la réalisation est parfois saccadée. Quoi qu'il en soit, Battle Royale reste un film important de ma jeunesse et nous plonge dans une vision apocalyptique fantasmée par la violence et accompagnée par des symphonies musicales à la fois douces et lugubres.

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le 21 oct. 2018

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Eren

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