Filmer l'inhumanité, ou filmer inhumainement ?

Battle Royale part d'un bon sujet esthétique : des gens qui se connaissent sont forcés à s'entretuer. Ce sujet est peut-être excellent, car il offre des possibilités intéressantes, mais il est difficile de le traiter sans tomber dans le piège du gros bain de sang chiant.

Battle Royale est un film qui, malheureusement, hésite sans arrêt entre critiquer cette inhumanité, et prendre part à son jeu. Parfois, le film brille réellement, dans des scènes illustrant comment une simple (mais forte) contrainte peut radicalement changer un être humain, nous parlant de ce que nous sommes réellement au fond de nous (à savoir, ici, entièrement conditionnés par l'environnement social). Mais dans d'autres passages, le film enchaîne les scènes inutilement violentes et débiles. Toutes les scènes de combat sont loin d'être débiles, mais toutes sont loin d'être bien réalisées. Le film tombe dans son propre piège, et devient aussi un film-gore (ce qui n'est pas un genre entièrement méprisable, mais qui n'est pas l'essence de base du film).

Je me répète, mais différemment : le film brille quand il joue sur l'horreur infligée aux lycéens, notamment par le contraste entre la joie ridicule de l'organisation et la frayeur des victimes, par les confrontations moralisme/pragmatisme (tel personnage a besoin d'une raison morale qui justifierait son meurtre, tel autre veut juste tuer), ou encore par sa photographie, montrant la destruction totale des corps, et ainsi des âmes ; il se ridiculise quand il essaie tant bien que mal d'humaniser les personnages et de créer de l'empathie, quand il fait tout pour les déshumaniser la scène d'après, filmant le plaisir du meurtre, avec des champ-contre-champ agresseur/agressé (et même parfois une caméra en point-de-vue du tueur) qui nous donnent la position du meurtrier.

Il faut savoir ce qu'on veut ! Battle Royale est tout de même un film efficace dans sa narration, sa réalisation, et son utilisation des symboles, mais il est regrettable de le voir se vautrer dans certains moments, devenant incohérent.

6/10

Turtie
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le 17 août 2022

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Turtie

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