Les rastas de l'enfer
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Après avoir vu plus de 2 600 films et goûté à la SF de toutes les décennies et avec tous les budgets, je découvre Battlefield Earth et je me dis… n'était-ce pas là le pinâcle de la SF ? Non, sérieusement. *Vraiment* sérieusement.
Je ne peux m'empêcher de croire que ce navet, primé de sept Razzies dont celui du pire film, comprend mieux la SF que Star Wars et autres star trucs. "Comprend" au sens de "contenir". Dès le départ, en cochant avec précipitation toutes les cases du manuel du bon petit film de SF, il montre qu'il va s'agir d'une histoire sans prise de tête qui peut donc se voir sans prise de tête aussi. Un défi que j'ai pris au mot sans mal.
Je ne parle évidemment pas d'un pinâcle qualitatif, mais plutôt au niveau du melting pot jouissif qui le compose. À la fois trop rapide et rempli de slowmotions, il trouve un rythme à lui, un peu alien mais plutôt joyeux. Il pâtit tellement à trouver sa voie qu'il est difficile d'y distinguer la dérision de la simple nullité, ou de la pique mal placée. Mais je ne suis pas arrivé·e à en être irrité·e ; en fait, de cette manière il tire plutôt bien parti d'être entre les mondes.
Par exemple, il arrive mine de rien à poser la question du rapport entre l'humain et l'animal de façon pas trop bête. Certes, il nous bourre le crâne avec des personnages humains qui sont animalisés à tel point que ça peut sembler ridicule – pourtant ça nous ramène à une époque pas si révolue où l'esclavagisme faisait de même. Similairement, s'il devient de plus en plus clair aujourd'hui qu'on a longtemps fait des assomptions lourdes et fausses sur les capacités cognitives des animaux, Battlefield Earth aborde le sujet précocement. En gros, le rapport entre humains et animaux est représenté dans le film par celui qui relie l'humain aux aliens. Et si ça manque de subtilité à notre goût, on a toujours l'option d'en rire.
Car franchement, pardon Roger Ebert, mais j'ai du mal à voir le film comme "hostilement déplaisant". Au contraire, voir tout le passif du cinéma d'anticipation condensé en deux heures chamarrées de la sorte, sous la lentille adorablement cheap d'une année 2000 totalement confiante dans ses tournants technologiques, et à grands renforts de décors et de costumes sans prétention (ou alors avec tant de prétention que je confonds ça avec de l'humilité)… voilà toutes les caractéristiques d'un film qui ne s'impose pas de de limites et, en un mot, c'est fun !
Un autre aspect que j'ai beaucoup aimé est la barrière de la langue, souvent bâclé en SF. Ici, elle est clairement abordée : les aliens parlent anglais quand seul le spectateur les écoute, mais les moments où les espèces ne se comprennent pas sont toujours clairs et pertinents au rapport de force qui les unit, ainsi qu'aux incompréhensions qui les séparent.
Je pense mettre à peu près tout le monde d'accord en disant que beaucoup de mauvais films peuvent tomber surprenamment juste en se défaisant des incontournables du cinéma commercial, qui sont souvent coûteux en watchtime et ennuyeux pour le cinéphage averti. Battlefield Earth n'en a justement tellement rien à faire qu'il va droit à l'essentiel ; un essentiel bizarre, mais où l'esthétique de mauvais goût, les facilités narratives et son rythme délirant en font une pilule compacte de créativité, et comme une clé de voûte difforme à l'ensemble de la SF. Ce n'est pas le film que je choisirais pour représenter le genre, et pourtant… y en a-t-il un de plus *représentatif* que celui-ci ?
La question est maintenant de savoir si j'ai atteint un niveau de blasement tel vis-à-vis des normes commerciales que je suis devenu·e trop sensible à la moindre variation, au point que je suis maintenant inapte à différencier la nullité de l'originalité. Euphémisé-je, par ignorance, le malaise glissé par la volonté scientologique du roman d'origine et par l'influence de Travolta sur la production ? Peut-être. Mais je me suis amusé·e. Et si ma petite chronique ne vous a pas convaincus que Battlefield Earth est peut-être jugé trop vite, j'espère qu'elle vous aura amusés aussi.
Créée
le 30 oct. 2024
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