Ne cherchez pas, Beasts of No Nation n'indique jamais où son action se déroule. Ouganda, Congo, Nigeria,...On ne sait pas, et le propos n'est pas là. Le thème principal reprend à son compte la maxime du film Platoon "L'innocence est la première victime de la guerre" en concentrant son attention sur les enfants-soldats. Certains films ont frôlé le sujet, mais rares sont ceux à s'y être totalement consacré.
Le thème est très dur, tout comme les implications politiques qu'il sous-tend. Mais si le 7ème Art a un pouvoir sur le monde, c'est bien celui de lui ouvrir les yeux. Tout juste sorti de la série True Detective, le réalisateur Cary Joji Fukunaga met donc la barre très haut pour son retour au format long-métrage. Signe d'une implication indéniable, il officie également au scénario (adaptant le roman de Uzodinma Iweala), à la photographie. Budget resserré mais ambition décuplée.
Quand on lui demande où il a trouvé son inspiration pour le film, Fukunaga cite Au cœur des Ténèbres. Évidemment. Il faut croire que l'œuvre de Joseph Conrad a le don de parler à tous ceux qui veulent offrir une odyssée humaine dans un ordre moral détraqué. Francis Ford Coppola ou Werner Herzog ont également tiré la moelle de leur Apocalypse Now ou Aguirre, la colère de Dieu. Comme de juste, le cinéaste attrape l'attention sans jamais verser dans la complaisance.
Et de placer son jeune héros (magnifique Abraham Attah) dans le cruel paradoxe de devenir un vieillard dans le corps d'un enfant d'à peine 12 ans. Un être qui a subi une formation accélérée dans l'injustice, l'absurdité de la guerre et ses plus horribles côtés. L'horreur que Beasts of No Nation parvient à capturer en une séquence forte (et il y en a plusieurs), voyant les chairs à canons entonner un chant alors qu'elles sont envoyées au massacre. C'est sûr, on ne sort pas indemne d'une telle séance. De la direction des acteurs jusqu'à la colorimétrie parfois volontairement saturée (pour signifier les effets de la drogue brown-brown ou d'une nature repeinte en rouge-sang), la plongée vers la sauvagerie est organique.
L'espoir ne fait cependant pas partie des victimes collatérales. Il est bien là, discret, incertain, mais présent. Il prend tout son sens dans la dernière partie, qui replace ces personnages face aux conséquences d'une guerre civile qui leur a volé leur jeunesse. Le plus difficile sera désormais de la leur rendre.