Deux ans après le gros succès inattendu de son premier long-métrage ("La discrète"), Christian Vincent confirme sa propension à un certain minimalisme, en particulier sur le plan narratif.
De fait, "Beau fixe" apparaît comme un tout petit film, loin d'être déplaisant mais flirtant dangereusement avec l'anecdote et l'insignifiance...
J'ai eu très peur lors des trois-quatre premières scènes, durant lesquelles le réalisateur filme son quatuor d'étudiantes en médecine comme une basse-cour de collégiennes gloussant à qui mieux mieux.
Heureusement, cette tendance se dissipe assez rapidement, et chaque comédienne parvient à se démarquer dans un registre différent.
Parmi cette petite troupe, on distingue les deux jolies filles - comme par hasard les deux actrices qui feront une belle carrière (Isabelle Carré, hyper juvénile, et c'est finalement à cet âge-là qu'elle se révèle la plus mignonne, et Elsa Zylberstein, la plus délurée de la bande) - et les deux nanas au physique plus ingrat (la moche coincée Estelle Larrivaz, et la moche raisonnable Judith Rémy).
Venues en Bretagne pour réviser leurs examens dans la maison familiale de l'une d'elles, les quatre copines vont bientôt recevoir la visite du cousin balourd tendance pénible, débarquant sans crier gare dans le but d'effectuer quelques menus travaux domestiques.
La confrontation de ces deux univers se révèle savoureuse, d'autant que l'acteur débutant Fred Gélard s'avère parfait dans ce rôle du gentil casse-pieds, "victimisé" par nos étudiantes un peu garces sur les bords. Avec sa haute stature et son mini slip de bain, sa démarche gauche et enfantine, Gélard évoquerait presque un personnage de Jacques Tati.
Problème : ce qui n'aurait du être qu'une amusante péripétie constitue pratiquement le cœur du film, donnant la fâcheuse impression que Christian Vincent tire à la ligne avec son maigre scénario.
En effet, c'est seulement dans les vingt dernières minutes, après le départ de cet intrus envahissant, que les évènements se bousculent un peu, à la fois sur le plan narratif et émotionnel.
Paradoxalement, c'est à ce moment que les limites du films apparaissent criantes, notamment lorsque surgit le petit ami skipper : toute la séquence sonne faux, à commencer par le comédien à côté de la plaque...
Heureusement, l'ultime scène sur un air de bossa nova se révèle assez jolie, rappelant qu'en dépit de ses divers manquements, "Beau fixe" sera parvenu à installer une atmosphère délicatement sensible (évoquant parfois certains titres d'Eric Rohmer), entre comédie de vacances douce-amère et étude de mœurs au féminin.